Un instant d'oubli ...

Putain de solitude. Cette solitude ne lui décollait plus de la peau. Elle la traînait partout, tout le temps.
Elle se faisait plus silencieuse quand elle montrait à Alicanta comment sélectionner les meilleures feuilles. Ou quand elle s'endormait dans les bras de Matthias. Ou encore quand elle était simplement en train de discuter avec Muse.

Mais elle se faisait si forte, si présente, quand Matthias était tendre avec Onze. Quand elle était seule dans sa tente, ou à regarder l'horizon. Quand les autres riaient, et pas elle ...

Cette foutue solitude qui la suivait depuis qu'elle avait perdue les premières personnes chères à son coeur.
Et qui était devenue tellement plus grande. Un peu avant Ironwood ...

Seule dans sa tente, elle avait abandonné ses flacons pour se perdre dans ses pensées.

Sans même s'en apercevoir, elle attrapa sa radio, et régla la fréquence sur une qu'elle n'avait jamais utilisée. Et pourtant, qu'elle connaissait par coeur.
Que son coeur avait gardé en mémoire, malgré tout.

Les grésillements qui signifiaient que la connection était établie se firent entendre.
Puis un murmure.

Alopias ...

Et puis ... les souvenirs ... Jade.
Alopias qui s'éloigne, qui l'oublie, qui la trahit ...
La muette qui s'immisce, petit à petit entre eux deux. Qui détruit une amitié.

Elle raccrocha sa radio, furieuse contre elle même. Une colère terrible montait en elle. Contre elle, contre Alopias, contre Jade.
Une colère assez grosse pour étouffer sa tristesse. Pour faire taire sa solitude.

De rage, elle lança la radio à l'autre bout de sa tente.
Mais elle ne parvint pas à se replonger dans le tri de ses potions.
Son cœur était serré. De douleur ...

Nombre de messages : 318 Date d'inscription : 11/05/2008

Sa radio filtrait le plus souvent les messages extérieurs, seules quelques rares contacts avaient la possibilité de rompre le silence de son appareil.

Il était occupé à écrire des notes sur son carnet, bien au chaud à l'abri de son tipi, quelques braises encore chaudes dans le fourneau central assurant une température assez supportable pour se contenter d'un gros pull.

La radio, heureusement en marche, se mit à grésiller quelques secondes, peut-être Alice ou Fey-Dora, éventuellement son chef de groupe… Machinalement, il monta le volume de la radio.

Il mit quelques secondes à reconnaitre la voix, quelques secondes où le temps fut étrangement suspendu. Il n'imaginait plus entendre cette voix après ce qu'il avait fait.

-Na…

Le fracas qui suivit avait de quoi effrayer, des chocs… Alopias bondit littéralement sur son micro, sa voix prise d'une véritable panique.

-Naïma ! C'est moi ! ça va ? Il se passe quoi ? Tu es en danger ? Répond ! Je suis là !

Alopias prit lentement conscience que les chocs correspondaient peut-être à une agression de la jeune femme par d'autres personnes. C'est une voix plus dure qui se fit entendre, destinée à d'éventuels agresseurs.

-Je vous jure que si Naïma ne me répond pas sur l'heure, je mettrais tout en œuvre pour vous retrouver ! Je vous interdit de lui faire du mal !

La voix d'Alopias sorti de la radio. Paniquée ... Puis menaçante envers de potentiels agresseurs.
Il s'inquiétait pour elle ... Malgré leur dernier échange, il s'inquiétait pour elle ...

Elle se précipita vers la radio, puis s'arrêta devant. Elle attrapa l'engin d'une main tremblante.
De si loin, elle sentait qu'Alopias pensait toujours à elle. Qu'elle comptait encore pour lui. Des larmes lui montèrent aux yeux.

Quelques secondes, elle eut envie de ne pas répondre. Pour voir s'il viendrait vraiment la sauver ...
Mais en faisant ça, elle l'obligerait à partir d'Ironwood. Elle briserai sa vie ... Et ça risquait pas d'améliorer leur relation.

Alors elle appuya sur le bouton pour répondre.
Et elle murmura, avec difficulté :

Alopias ...
C'est moi. Ça va bien. Sauf ... que ...

Elle se reprit un peu.

Enfin, nous sommes en route pour Twitter's Swamp. Pour voir la mer. Le voyage se déroule bien.
Nous avons de nouveaux compagnons et ...

Mais sa voix se brisa.
Et dans un sanglot, la vérité qu'elle tentait de dissimuler au plus profond d'elle, cette vérité sortit d'elle-même.

Tu me manques !!

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Si Alopias paniquait avant qu'elle réponde, il se sentait à présent très mal… comme si les quelques mots de Naïma avait ouvert une des vannes qu'il avait fermé dans son cœur. Croc la Belette vint lui mordiller le doigt pour demander son repas du soir. Alopias soupira en lui sortant un petit bout de viande tout en répondant à Naïma.

-Je… je suis désolé si je t'ai fait souffrir Naïma… mais j'ai fais un choix… un choix qui m'a été aussi difficile à faire qu'il a été pour toi de l'accepter.

Croc grignotait son bout de viande, tachant le cahier largement sans se soucier d'autre chose que d'avaler son cinquième repas de la journée.

-Pourquoi tu te soucis encore d'un connard comme moi ? Tu as ton désert, des amis qui t'aiment et te respectent et ne t'abandonneront jamais… eux.

Croc avait finit, sans manifester la moindre gratitude, il alla s'installer dans son petit panier garni de mousse pour dormir.

-Notre vie d'avant me manque… tu me manques… mais je préfère vivre ma vie avec Jade en te sachant bien entourée à vivre une vie qui te plait…

Sa voix se faisait de moins sûre au fur et à mesure qu'il parlait.

-Ce qui ne m'empêche pas de tenir à toi et de flipper tout les jours à l'idée que tu seras peut-être assassiné froidement par un psychopathe sachant à peine tenir un couteau. Tu arrives à t'entrainer ? Vous arriverez à passer l'hiver ?

Jade ...
Bien sur ...

J'ai failli mourir, justement. J'ai été attaquée par un homme. Matthias l'a tué.
Gray et Jack m'ont soigné.

Elle disait tout ça en essayant de se détacher le plus possible. Comme si elle donnait des nouvelles à n'importe qui.
Mais ... ce n'était pas le cas.

Onze est enceinte ...

Elle ne dit pas tout ce que cela impliquait pour elle. L'incertitude de l'identité du père. La complicité entre Onze et Matthias ...

Plusieurs amis à moi sont morts ces derniers temps.
Tu te souviens peut être de l'Harmattant, à Polaris ? Et Sai-X. Et ... Tuuluuwaq ...

Savoir qu'Alopias l'écoutait la réconfortait de toutes ces peines.

J'aimerai tellement que tu sois là. Que tu me prennes dans tes bras ...

Mais cela était impossible.
A cause de Jade.

Jade ... Onze ...
Ces femmes qui s'étaient mises entre elle et les hommes à qui elle tenait. Les hommes pour qui elle aurait fait n'importe quoi ...
Elle leur en voulait. Elle les détestait.

Elles étaient la cause de sa solitude !!

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-Ce n'est pas possible pour le moment, et oui je suis au courant pour les morts de Polaris, Alice m'a tenu informé. Tu as eu de la chance de t'en tirer de ton agression.

Il avait du mal à contenir sa rage, toutes ses vies détruites pour rien d'autre que l'assouvissement des pulsions morbides d'un groupe d'imbéciles.

-Je sais aussi que j'ai accueillit à Lune de miel les meurtriers il y a plusieurs années, et que si j'avais fait certains choix à l'époque ils n'auraient jamais eu cette puissance aujourd'hui. J'avais refusé de faire un choix et ça a contribué à créé des monstres.

Le ton de Naïma était triste, qu'elle le soit pour son agression était logique, pour la mort de ses amis aussi… mais associer la grossesse de Onze à tout ça avait quelque chose de…

-Tu n'es pas heureuse pour Onze ? pour tout votre groupe qui va s'agrandir bientôt d'un petit bébé ? Tu devrais te réjouir non ? Apprécier le bonheur de tes amis plutôt que le jalouser ?... Non ?

Je ne jalouse pas cette grossesse. Cela apporte beaucoup de dangers à Onze, et à l'enfant.
Non, je ne suis pas jalouse.

Pas de ça, en tout cas ...

Mais comment dire à Alopias que ce dont elle était jalouse, c'était l'attention que Matthias portait à la future maman. Le fait qu'il soit toujours en train de toucher son ventre, de s'inquiéter pour elle, de lui sourire ...
Toutes ces choses ... Qu'elle aimerai tellement avoir pour elle. Juste pour elle.

Comment lui dire qu'elle avait l'impression que c'était elle qui était entre Onze et Matthias.
Comment lui dire sa peur de les voir partir tous les deux.

Ce n'était pas possible.

Elle se tut pendant plusieurs secondes.
Puis repris tristement.

Parfois j'aurai voulu ne jamais partir de Polaris.
Ou même prendre le problème bien plus tôt. Ne trouver personne dans le désert à mon réveil. Je serai restée seule. Je serai vite morte ... et je n'aurai pas autant souffert.

La présence de son ami ne lui avait jamais autant manqué qu'à cet instant.
Cet instant où elle laissait sortir toutes ces pensées ...

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Elle cherchait visiblement à le faire culpabiliser, et aurait presque réussi quelques lunes plus tôt, lorsque le désespoir de voir Jade zombifier lui faisait perdre son énergie. C'est d'une voix douce qu'il poursuivit.

-Tu es plus forte que ça Naïma ! Mais tu te laisse ronger par tes idées noires... de tout les habitants du désert, tu es sans doute l'une des mieux entourée, tu as des gens qui t'aiment pour toi-même autour de toi, et que tu aimes au point de leur demander l'impossible. Personne ne peut être le centre des attentions des autres, sauf en faisant les actes stupides dont tu parles... et encore pas toujours. Tu devrais profiter du bonheur de tes amis, aimer le bébé de onze et tout faire pour le protéger et te dire qu'il est en sécurité avec vous... Tu devrais être heureuse parmi les tiens, partager leur bonheur et non plus demander à ce que chacun d'eux fasse tout pour te rendre heureuse car tu n'y arriverais jamais... j'ai essayé.

De son stylo, il dessine deux petits personnages simplifié séparé par un ravin, un dessin juste comme ça, trahissant ses pensée profondes et sa situation.

-Tu sais ?... quand je t'ai dit que je ne voulais plus que tu ais besoin de moi, j'étais sérieux ! Mais c'était en fait plus destiné à moi qu'à toi... si je suis parti, ce n'est pas vraiment à cause de Jade ou de mes bêtises... c'était pour mettre fin à mon besoin constant de soutient, j'avais le sentiment d'avoir besoin des autres pour ne pas m'effondrer... et c'est un sentiment effrayant... et humiliant. En partant j'ai décidé d'apporter ma force à la force de Jade. C'est bien mieux que de compenser nos faiblesses Naïma... crois moi ! La preuve ! Je me suis relevé seul quand Jade est tombé malade... et l'aide d'Alice n'a fait que m'aider à me relever, elle ne l'a pas fait à ma place.

Il soupire, visiblement désolé pour la jeune femme.

-Je suis ton ami et non ta béquille. Je peux t'apporter mon aide et non faire les choses à ta place. Tu peux compter sur moi pour t'aider quand ça va vraiment mal... mais pas quand tout devrait aller bien. tu comprends ?

J'aime le bébé de Onze, et je le protégerai. Comme je protège toutes les personnes que j'aime.

Puis elle se tut. Elle n'avait rien à répondre.
Elle avait l'impression qu'il ne la comprenait pas. Peut être avait-elle tord. Peut-être justement, la comprenait-il mieux que quiconque, et relevait-il des choses qu'elle ne voulait pas entendre.

Elle ne releva pas l'information sur la maladie de Jade. Elle ne voulait pas en savoir plus. Elle ne voulait pas parler de Jade.

Elle reprit la parole, au bout de plusieurs secondes.

Ça va aller, ne t'en fait pas.
J'ai juste besoin de quelqu'un qui soit là quand je ne vais pas bien. C'est pour ça que tu me manques.
Mais je crois ... que j'ai trouvé quelqu'un d'autre.

Merci de m'avoir parlé.
Au revoir.

Elle avait finit plus en murmurant qu'en parlant.
Elle posa son doigt sur le bouton pour raccrocher, mais n'osa pas appuyer.

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Alopias s'attendait à la voir couper le contact, mais visiblement, ce n'était pas encore le cas. D'une voix amicale se voulant douce, il lui adresse quelques mots.

-Naïma, la première personne dont tu as besoin quand ça ne va pas c'est de toi-même ! Ai confiance en toi ! aide-toi toi-même ! Ça soulagera ton entourage d'une responsabilité qu'ils ne sont pas toujours prêt à assumer... car à les rendre responsable de ton bonheur tu finiras aussi par les rendre responsable de tes malheurs. Alors Bonne chance et bonne nuit.

Un dernier murmure.

A toi aussi ...

Puis elle coupa la communication, achevant ainsi le contact.
Il lui avait dit des choses pas forcément agréables, mais le son de sa voix ...
Elle raccrochait avec le sourire, heureuse de ce moment d'incertitude qui l'avait poussé à la contacter. Et sure qu'elle recommencerais, un jour ...

Alopias ... Il lui manquait tellement.
Son épaule, son sourire, leurs souvenirs commun, leur regard qui suffisait ... toutes ces choses qui font d'une amitié une chose magnifique qu'on n'oublie jamais, et qui fait souffrir une fois finie.