Le Charme

Le bruit sec du métal planté le bois rebondit dans l'air glacé. Le soleil faisait briller le sirop de verre fondu de la glace collée aux maigres arbustes débarrassés de leurs feuilles et réchauffait le dos du bûcheron. il avait trop chaud avec ses épais vêtements, mais s'en débarrasser serait revenu à attraper une pneumonie, aussi les avait-il gardés.
Le deuxième écho fit s'envoler quelques oiseaux qui surveillaient, anxieux, les alentours, depuis le premier coup de hache. Leurs cris d'alarme moururent avec la distance, sans que Fawkes n'y prêta attention, concentré sur la chute du petit charme qu'il avait choisi, aussi bien pour réchauffer le groupe, que pour chercher un peu d'oubli par l'exercice.
Le fer se leva à nouveau haut dans le ciel céruléen avant de mordre encore le bois tendre dans une gerbe d'esquilles de glace, mouchetant les longs cheveux noir de l'ex-Nukéen. Ex-tout. A cette pensée, sa lèvre supérieur eut une crispation qui s'effaça dans un nouvel assaut contre l'arbre. Il ne s'était jamais senti à sa place à Iron-Wood, pourtant il l'avait quittée sans trop savoir pour quoi.
La buée de son souffle s'enroula comme un serpent fou avant de se fondre dans le néant. Il savait très bien pourquoi il était parti. La ville lui rappelait constamment ceux qui étaient morts en y venant, ou peu après. Il avait fui cela. Il avait espéré devenir quelqu'un d'autre.
Des échardes de bois lui fouettèrent le visage, le forçant un instant à fermer les yeux. Cependant, il ne comprenait pas plus maintenant certaines réactions qu'avant. Il était un tueur. Il ne s'était jamais voilé la face, et ne l'avait jamais caché. Il avait pris plaisir à tuer, et avait toujours été prêt à assumer, même si personne n'y avait jamais trouvé à redire. Avant l'arrivée de l'Acid Nukleik, les membres du groupe d'intervention l'avait couvert. Ensuite, le Roumain se contrefoutait de ce qui pouvait bien se passer pendant les patrouilles, tant que celles-ci atteignait leurs objectifs.
Il se redressa un instant pour essuyer la sueur qui commençait à geler sur son front. Durant la traversée vers Iron-Wood, il n'avait tué personne. Du moins, pas directement. Il eut un rictus de joie malsaine en repensant au punk. Puis à Iron-Wood... Sa maladie l'avait rendu inoffensif. D'ailleurs, à bien y réfléchir, les pulsions semblaient l'avoir quittées depuis.
Il reprit son travail de sape, alternant l'angle des morsures dans le tronc, qui montrait des signes de plus en plus évident de faiblesse. Non, il n'avait pas tué Muse sur une impulsion, mais cela avait bien été réfléchi. Il s'était bien attendu à une réaction des Inf...
La hache reste un instant dans la blessure qu'elle venait d'élargir. Car il entendit la voix blessante de Onze Heure Trente.

Citation :

Ce sont les Affranchis. Mets toi ça dans le crâne.

Pourquoi réagissait-elle ainsi à son endroit ? N'étaient-ils pas tout deux dans le même "camp" ? Certes, ils avaient été "bannis" par un consensus silencieux du groupe, mais était-il vraiment à douter qu'il l'aurait laissée partir seule ? Bien sûr, elle aurait sût se débrouiller seule, mais était-ce là une raison ?
Il dégagea l'outil d'un geste sec. Il avait attendu une réaction des Affranchis et, bien sûr, de Naïma, mais cette sorte d'absence générale de réaction, justement, le déstabilisait. Naïma n'avait su que lui dire qu'il était un assassin, pourtant... Muse n'en avait-il pas été un lui-même ? Le fait de le connaître suffisait-il à faire pardonner cela ? L'attaque de la Secte, qui aurait dû rester secrète selon son instigateur, pour ne pas ternir son aura auprès de la nomade, n'avait-il pas été organisée par Matthias, qui se tenait désormais à ses côtés ?
Il sentit une boule sombre, létale, naître au creux de son estomac, mais les coups répétés contre l'arbre n'atténuait en rien cette colère issue de la frustration. Depuis la séparation décrétée, tout était comme avant ou presque. Personnes dans le groupe de Onze Heure Trente ne parlait. Pas même pour des banalités. Et les deux groupes se suivaient. Cette condamnation silencieuse ressemblait, par l'empêchement de toute possibilité de faire quoi que ce soit, à un emprisonnement. Une zombinisation forcée dans son propre corps. Un frisson de terreur lui sabra le corps à la pensée de n'être à nouveau qu'un corps privé de volonté.
Un dernier coup, que la colère avait rendu plus fort qu'il ne l'aurait voulu, mit fin à sa bataille contre l'arbre qui céda avec un douloureux craquement. Fawkes, fut quelque peu déséquilibré, entrainé qu'il fut par l'inertie du coup. Essoufflé, il s'appuya quelques secondes sur le manche de la hache, le fil de ses pensées rompu tel le tronc d'arbre qui gisait dans la neige. Ses yeux glissèrent sur la neige, accrochés par une harfang que le vol silencieux comme la mort éloignait de lui. Il la suivit un instant, comme si son passage près de lui, lui avait volé une part de son âme, comme l'aurait fait un des esprits du vieux Chaman.
Il rompit ce charme, comme le premier, et planta la hache dans la nouvelle souche. Il avait l'impression qu'il ne pouvait que partir, seul, dans le désert de neige et pourtant quelque chose le retenait encore, sans qu'il ne put définir quoi. La seule chose qu'il savait, c'est que ce n'était en rien lié à sa mort. Elle ne lui avait jamais fait peur. C'était peut-être même la seule chose qui ne lui faisait pas peur ces derniers temps.

Non loin de là, Searclaw remua. Plongé dans ses pensées, il ne se rendit compte de la présence de Fawkes qu'aux premiers coups de hache. Les bruits secs qui sonnaient la mort de l'arbre l'extirpèrent brutalement de ses pensées, alors qu'assis dans la neige, ses membres commençaient à s'engourdir. Sa tête se posa avec une tendre délicatesse contre le tronc froid auquel il était adossé depuis près d'une heure, et un sourire triste ensanglanta ses lèvres gercées. La douleur revenait, peu à peu, et le jeune homme avait peur d'y prendre gout, pire que le pire des masochistes. La douleur revenait, et au lieu de mettre les choses en perspective, le fait d'avoir survécu au crash puis réchappé à la folie et à l'obscurité, exacerbait au con,traire un profond sentiment d'injustice et de culpabilité, qui le consumait de l'intérieur.

La nature optimiste qu'il avait eu tant de plaisir à redécouvrir en lui même, peu avant qu'il ne trouve les Infidèles, partait en lambeaux, s'effilochait de jour en jour, tandis que les rêves se faisaient plus pressants. Il avait pensé en parler à Gray, que Fawkes lui avait désigné comme son "psychiatre attitré", mais une partie de lui-même ne voulait pas s'aider. Il songea aux évènements récents. La naissance de la petite Sarah, qui lui réchauffait le cœur lorsqu'il la regardait. Mais pas assez. Ali, et ce qu'elle lui avait rappelé. Les femmes d'Argentine, devant qui il se pavanait autrefois comme un coq, et la coke, épicée de confiance et de folie. Cela avait été dur, parce qu'au fond de lui, le jeune homme savait ce qu'Ali penserait si elle savait la vérité. Searclaw était entrain de perdre ce qu'il s'était résolu à redevenir.

Le masque qu'il affichait devant ses compagnons s'effritait peu à peu, avec les cernes et les silences issus du manque de sommeil, la peur de l'ombre et du passé accusateur. Searclaw essayait de trouver à nouveau un sens à l'existence, n'hésitant plus à mettre en jeu la seule chose qu'il lui restait. Pas de courage pour sauver Cinoque, juste quelque chose à se prouver, et un désir secret que tout s'arrête. Alors qu'il avait cru que la vie lui porterait elle même le jugement pour ses actes, là bas en Amérique Latine, rien n'était venu le réclamer, ni apaiser les fantômes qui hantaient ses rêves. Il avait voulu, il avait cru mourir, car cela aurait été juste, mais maintenant il devrait vivre, ce constat lui paraissait aussi cruel qu'arbitraire. Pourtant, maintenant, la tête calée contre le bois vivant et vert, les choses auraient été faciles. Ne rien faire. Ne rien dire. Partir lentement vers le froid, anesthésiant de choix, qui coupait doucement les sensations et les pensées.

L'arbre se brisa. Fawkes. Searclaw sourit à nouveau, grimaça lorsque les plaies s'ouvrirent un peu plus, puis sourit encore de la métaphore d'hémoglobine. Le jeune homme s'essuya la bouche, comme s'il craignait que le bucheron de fortune ne sente son sang. Fawkes ne l'avait pas vu, petit tas noir dans la neige, qui cherchait à se faire oublier de tous, cette seule volonté avait du suffire pour que l'EX-Nukéen ne remarque rien de sa présence. Fawkes. Quelque chose d'étrange parcourut le corps engourdi de Searclaw. Un frisson. Une énergie qui ne lui appartenait pas. Le jeune homme n'était pas superstitieux. Pourtant quelque chose le poussait vers l'homme qui rageusement, brandissait sans faiblir sa hache artisanale. Une force extérieure, qu'il avait ressentie dès l'instant qu'il avait posé les yeux sur lui. Une sensation d'inachevé. Searclaw avait été croyant, lorsque enfant, il fréquentait les églises de Cork. Fawkes lui rappelait cette foi.

Péniblement, le jeune homme se mit debout, s'aidant du tronc verni de givre. Il fit quelques pas dans la neige, en direction de Fawkes, et toussa, acte volontaire pour avertir l'autre de sa présence, espérant ainsi éviter tout réflexe violent. Searclaw fit de son mieux pour regagner sa composition. Le sourire, la voix douce et calme, presque rieuse. Il se faisait lui-même pitié d'en être réduit à simuler ce qu'au fond, il était vraiment :

- Sale temps pour tout le monde, pas vrai camarade ?

Penché sur sa victime qui gisait dans la neige, il coupait les quelques branches qui dépassaient, avant de débiter le tronc en rondin. Ses doigts gourds serraient le manche du couteau aussi fort que possible, mais il ne sentait pas le contact du bois dans sa main. Il aurait aussi bien pu dépecer un corps pour en récupérer la viande.
Le vent lui vola le bruit de coton écrasé de la neige sous les pas de Searclaw et il n'eut conscience de sa présence que lorsque ce dernier toussa. Fawkes lui jeta un bref regard avant de reprendre son travail. Ce n'était pas la première fois qu'il se signalait avant d'arrivée à réelle portée, comme pour ne pas le surprendre. Avait-il peur que, surpris, le fauve sanguinaire et incontrôlable ne lui saute à la gorge ? Était-ce là ce que l'on pensait de lui ? Une bête. Même Ann Cassandra ne lui avait pas adressé la parole depuis...

- Sale temps pour tout le monde, pas vrai camarade ?

Un peu plus loin, un paquet de neige eut raison d'une branche qui plia sous son poids, et se délesta de sa charge avec un bruit mat. Il soupira. Après tout, au moins restait-il quelqu'un qui semblait avoir envie de parler. N'était-ce pas une des différences marquées entre hommes et animaux ?

- Oui, je suppose que tout le monde souffre du froid, monsieur Searclaw. Celui-ci nous gardera un peu au chaud, dit-il avec un geste sur le charme vaincu. Du moins... Je veux dire le groupe mené par mademoiselle Onze.

Son sourire, un instant désabusé, repris un pâle masque de jovialité qui ne cachait rien.

- Comment cela se passe pour vous ?

Edit pour corriger deux-trois fautes

A la question de Fawkes, Searclaw haussa un sourcil. Il lui vint en tête de sourire, et à son habitude, de faire comme si tout allait bien. Il ne savait pas s'il avait mal interprété la question. Fawkes parlait-il du groupe, ou bien de lui ? Tant pis. Fawkes était la seule personne dans son entourage à pouvoir peut-être comprendre. Le jeune homme inspira, et pencha sa tête sur le coté avant de prendre la parole d'une voix grave :

- Franchement, Fawkes... Ça va pas des masses. Je dors mal, mon passé me hante chaque soir. Avant de dormir j'ai peur de l'obscurité, et pendant que je dors, j'ai peur de mes fantômes. Je pense à la mort. Je ne comprends pas pourquoi je suis vivant, je ne vois pas la justice là dedans. La vie est compliquée, et dure à porter, la mort n'est rien de tout ça. Un coté de moi veut continuer à vivre, à supporter le poids du passé, parce que ainsi j'ai l'impression de faire pénitence. Je nourris même l'espoir de me racheter un jour. L'autre coté est égoiste, et veut seulement que la douleur s'arrête. Je sais pas pourquoi je te dis ça... Enfin si, mais...

Searclaw inspire à nouveau, sa respiration s'exhale en volutes dans l'air glacé. Il lève un œil triste et interrogateur vers Fawkes.

-Crois-tu en la rédemption camarade ? Crois-tu que nos fardeaux doivent être portés ?

Fawkes masqua son trouble en se concentrant sur son travail. Quelques temps auparavant, Searclaw était venu à lui, en lui disant qu'ils se ressemblaient tous les deux. Il n'en avait pas eu une conscience aussi aigüe jusqu'à maintenant.
Pendant quelques instants, seul le bruit du tranchant de la lame taillant le bois troubla le silence.

- Je n'ai pas de réponses absolue, Searclaw. Il n'y pas de justice à attendre, vous avez survécu, point final. Certains vous diront que Dieu a voulu que vous restiez, d'autres appelleraient cela le Destin, la Chance ou les Extra-terrestres, que sais-je ? Pour ma part, je pense que nous maitrisons notre vie. Plus ou moins, ajouta-t-il avec un sourire.

Il montra un bout du tronc à Searclaw, tout en prenant l'autre extrémité.

- Prenez ce côté, voulez-vous ? Je voudrais le mettre sur la souche, pour le débiter. Cependant, imaginons un instant que je me trompe. Et que Dieu existe. Comment prendrait-il la chose s'il vous avait laissé ici bas, pour une tâche connue de lui seul, et que vous vous laissiez aller à mourir ? dit-il en riant à cette pensée.

- Je ne sais pas si il peut y avoir de rédemption. Mais elle doit venir de vous, c'est ce que j'ai appris...

Il laissa la phrase en suspens. Il aurait voulu ajouter que la leçon lui venait des Infidèles ou des Affranchis quelque puisse être leur nom. Mais, finalement, il n'y avait pas d'intérêt à condamner qui que ce soit pour quoi que ce soit. Chaque être humain, imparfait par nature, avait sa part de responsabilité.

Searclaw s'empara du charme, comme le lui avait indiqué son interlocuteur, le maintenant fermement de tout son poids. Les paroles de Fawkes résumaient le fond sa propre pensée, finalement, quand la douleur l'abandonnait suffisamment longtemps pour que la lucidité revienne. Le jeune homme s'arcbouta sur l'arbre coupé, et sourit étrangement, et un peu de lumière revint dans son regard, comme si le contact avec cet être étrange pansait un peu les plaies :

- Fawkes...par pitié, tutoie moi.

Le sérieux revint, et Searclaw hésita, plongé dans ses pensées, avant de s'adresser à nouveau au bucheron de fortune :

- Je ne crois pas en dieu. Ni au destin. Cependant, certaines choses ne s'expliquent pas, c'est vrai. Il y'a des forces à l'œuvre, bien au dessus de nous, l'univers est en mouvement. Mais ça ne m'aide pas. Je ne sais pas ce que je dois faire, hormis porter le fardeau. Je crois que tu es lié à ma route, camarade, c'est un pressentiment, mais peut-être est-ce logique au final. Je t'ai dit que nous avions des choses à faire ensemble. Je pensais à ma rédemption.

Le jeune homme baissa la tête, sa voix s'effilocha jusqu'à devenir un murmure :

- Ce n'est pas de l'égoïsme. Je crois que tu peux attendre la même chose de moi. Maintenant le tout, c'est de savoir quelle est cette chose que nous devons faire ensemble... Cette chose qui nous rachètera.

Fawkes dissimula un sourire malicieux en toussant. Il regarda ostensiblement autour de lui, avant de revenir à Searclaw, faussement sérieux.

- Évite ce genre de déclaration au campement, veux-tu ? On pourrait se... méprendre sur tes intentions, dit-il avec un clin d'œil. Plus sérieusement, je ne sais pas de quoi tu parles. Je ne suis même pas sûr de comprendre. Je ne crois pas au destin, à mon sens c'est une façon de se dé-responsabiliser.

Un silence plana le temps qu'il prit la hache et commence à débiter le tronc en stères, rythmant la conversation.

- Quand à trouver la rédemption. Si tu as une astuce, je suis acheteur. En tout cas, j'espère que ta prémonition pourra se réaliser à distance.

Searclaw haussa un sourcil intrigué, tout en esquivant à moitié les copeaux de bois qui se détachaient violemment du charme qui Fawkes attaquait à nouveau avec ferveur. Un poids s'abattit soudain sur sa poitrine. Fawkes voulait partir. Il fit l'effort d'offrir un sourire joueur à son interlocuteur, espérant que celui-ci ne remarquerait pas son trouble :

- Ce n'est pas de destin que je parle camarade. Simplement du mouvement de la vie. Mes prémonitions sont souvent justes. Tu le sais. Mais qu'entends tu par "à distance" ? Tu vas quelque part ?

Les morsures de la hache était son seul point de concentration. Il ne voulait pas regarder Searclaw. Le fait qu'il quitte tout pour tenter sa seule chance ressemblait trop à une désertion pour lui, et il ne voulait pas lire ça dans le regard de quelqu'un d'autre.
Et il n'avait pas envie non plus que l'on croit qu'il s'agissait d'une tentative pour devenir un centre d'attraction, et que l'on cherche à tout prix à le ramener au sein du groupe, en sécurité. Et il entendait déjà les arguments de Gray et de Searclaw.
De plus, il savait qu'il n'avait guère de compétence en matière de survie, et qu'il faudrait qu'il vive du terrain. De ce que des égarés pourraient lui... procurer. Cela lui laissait peu de chances. Ajouté à cela, il n'avait qu'une vague idée de la direction d'où se trouvait Twitter Swamp. Mais pas de la distance.
Il aurait pu partir de nuit, mais cela aurait été de la lâcheté. Et ce n'était pas ça qui le faisait partir.

- Je vais tenter ma chance pour rejoindre Twitter Swamp, seul.

Le jeune homme regarda Fawkes, bouche bée. L'incompréhension et la panique le submergèrent soudain. Fawkes voulait partir. Et si Searclaw savait quelque chose de l'homme qui débitait sans relâche les branches de l'arbre tombé, c'est que quand ce dernier avait une idée en tête, il ne la lâchait pas comme ça. La mort dans l'âme, Searclaw tenta malgré tout de le raisonner.

- C'est du suicide, et tu le sais, Fawkes. Reste. S'il te plait.

- Non Searclaw, j'ai une chance. Maigre, mais je l'ai. Tu sais comme moi ce que c'est que d'être enfermé et c'est ce que je ressens ici, parmi cette troupe de théâtre aux personnalités tirées de tragédies antiques.

La hache s'abattit une dernière fois, comme le marteau du Jugement Dernier.

Searclaw profita du réconfort chaleureux que lui offraient les bras d'Ali. Il avait tissé des liens avec la jeune femme durant les derniers jours, des liens qui l'unissait avec son passé sud-américain. Elle l'avait appelé Amigo, mot qui le remplissait et le glaçait en même temps. La culpabilité qui le rongeait s'était quelque peu amenuisée, la discussion avec Fawkes lui avait rendu un semblant d'âme. Chose étrange, il se sentait à nouveau investi d'un but, même si cela pouvait paraitre inexpliqué. Peut être que Fawkes, en étant simplement lui-même, dur et sans concessions comme ce nouveau monde, avait il rendu au jeune homme un peu de forces, quelques réserves de vie pour avancer encore. Il respira profondément, le parfum des cheveux d'Ali envahit ses narines, et il sourit tristement :

- Ca va mieux, merci Ali. Je crois que je me sens libéré de quelque chose, je ne sais pas. Je dois réfléchir. Me débarrasser du passé. Peut-être que le crash et une nouvelle chance.

Le jeune homme se libéra de l'étreinte, et fixa Alicanta dans les yeux. Il esquissa un nouveau sourire furtif, écarta une mèche de son visage, puis l'embrassa brièvement sur la joue :

- Je peux être étrange parfois Ali, ne m'en veux pas. Ça n'est pas contre toi. Je chéris ton amitié. Maintenant je dois aller réfléchir un peu. Pour me retrouver. Merci, d'être là pour moi.

Searclaw lui tourna le dos, et s'éloigna lentement, l'air pensif.



(edit : j'ai fait une mini-modif, histoire de remettre le texte en italique.
Naïma)