Crise de nerf

Le campement était calme. Bien calme. Trop calme. On aurait en fait pu le qualifier de... morne. Les deux camps se regardaient en chien de faïence sans s'être réellement séparés. La détente se ferait... ou pas... sans doute plus qu'une question de jours.

Matthias tournait en rond, attendant dieu sait quoi, un signe du destin ou n'attendant simplement rien. En proie à un accès d'agitation furieuse, le jeune homme décida de mener une attaque sur son propre campement.
Le dégel s'annonçait et bientôt il ne neigerait plus. Plus avant une bonne année, aussi estima t'il le moment propice.


Une première boule de neige atterrit sur Searclaw tandis qu'un cri de guerre dément emplissait soudain l'air glacé. Matthias se mit à courir à toute allure bombardant Alicanta puis Naïma avec les réserves qu'il s'était faite.

John en ligne de mire, le jeune fou lui sauta dessus en le renversant à terre par surprise. Une fois sur lui, il lui claqua un baiser sur la joue, se releva d'un bond et se recommença à courir en tout sens à ras du sol pour se reconstituer une ou deux munitions...


"Kaaaaaaaaaaaayaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhaaaaaaaaaaa !!! "

Incroyable, la scène était surréaliste, d’un seul coup Matthias avait brisé la glace avec sa fougue habituelle et une simple bataille de boule de neige, qui plus est bien organisée !
Ali’ rentra immédiatement dans la peau du personnage de son enfance « Princesse Leïa », vielle histoire pré-crash racontée mainte fois par un vieil étranger américain vivant dans son village ; sauf que les boules n’étaient pas faites de neige mais en pousse de bambou mâchée enduite de boue.

Elle improvisa une sorte de lance pierre avec ce qui restait de bois à ses pieds et l’élastique qui liaient les cheveux, se mit en retrait de la zone de tire. Regarda Naïma avec un sourire malicieux, lui fit un clin d’œil et mimant le geste d'un casque-radio dit :

Bombardement de neige à 3 heures, commandant Naïma, en provenance de MS, dit « Matthias Stöger », grésillement à la Starwars, préparation de la riposte dans 15 secondes.

Elle lui fit un double clin d’œil et s’avança rapidement vers Matthias et lança dans un premier passage furtif ses premières boules sur lui.

En plein dans le mille !

Elle regarda Naïma, et lança : "A toi ma vieille, faits-lui mordre la poussière !"

Alors que le jeune homme naviguait en zigzaguant entre ses comparses, les premières boules plurent autour de lui.

Bientôt une le frappa et Naïma lui sautait sur le râble. A peine avait-elle achevé sa phrase que le démentiel garçon la retournait habilement. La riposte aurait pu être cinglante mais Matthias se contenta de lui infliger un féroce baiser en émettant un grognement féroce de pittbull enragé.
Et le jeune homme de beugler:


"Aiuta mi ! John, Searclaw, à moi la gaaarde ! Ayude yo ! Aiuuuuuutaaaaaa !!!"


Sur quoi il détala à toute vitesse, pour lancer de nouvelles boules. Se remettant à courir n'importe comment pour éviter l'arrivée d'Alicanta et espérant bien le soutien des deux gars.

Searclaw, préoccupé, ne ressentit qu'à peine la morsure froide de la boule de neige envoyée par Matthias. Il allait un peu mieux, la discussion qu'il avait eue avec Fawkes dans les bois près du campement, et l'étreinte d'Ali, l'avait empli d'autre chose, lui avait rendu quelques armes pour combattre la culpabilité et le passé. Fawkes lui avait rendu ce service, avant son départ. Celui de remettre froidement les choses en perspective. Il fallait penser à l'avenir. Se levant lentement, il observa ses compagnons jouer dans la neige. Secouant la tête, qu'il débarrassa d'un peu de poudreuse qui s'était collé dans ses cheveux, le jeune homme s'étira presque nonchalamment. Sa décision était prise. Il s'adressa à tous ceux qui voulaient bien écouter.

- Tout le monde a l'air de s'en foutre, mais Fawkes est parti. Pendant que vous vous amusez, un compagnon est peut-être en danger. Je pars à sa recherche. C'est ce que font les amis les uns pour les l'autres. Ils se pardonnent, et ils s'aident.

Se dirigeant vers son barda, Searclaw le jeta lestement par dessus ses épaules, et s'éloigna du campement d'un pas assuré.

Un instant, M'sieur le bon samaritain !


Matthias se planta devant Searclaw. Regard interrogateur qui le rendait presque sévère, il croisa les bras et demanda:


"Crois-tu qu'on puisse aider les gens contre leur volonté ?"

Par dessus l'épaule de Matthais, Searclaw observa Ali s'éloigner, d'un air triste. Ils devraient parler à son retour. Puis il reporta son attention sur l'homme qui le confrontait. Il afficha un sourire las :

- Matthias. Je crois qu'il y a toujours de l'espoir. Si le temps finit par me convaincre, je deviendrai peut-être comme Fawkes. Et si cela devait arriver, j'espère qu'il y aura quelqu'un pour me ramener à la raison. Je ne suis pas le bon samaritain dont tu parles. Mais lorsqu'un ami court à sa perte, je crois que mon rôle en tant qu'ami est justement d'essayer de l'aider, même s'il ne le veut pas lui-même. Il y a toujours de l'espoir. Paix sur toi, camarade, malgré tout. Au cas ou j'échoue, je vous remercie pour tout, vous souhaite bonne route, et vous demande de tous veiller les uns sur les autres.

Searclaw sourit à nouveau, une petite lueur s'anima dans son regard :

- Mais comme je suis de nature optimiste, je vous dis simplement à bientôt.

Matthias se pencha légèrement en avant d'un air inquisiteur et posa sa main sur l'épaule de l'homme.


"Encore une minute. Si le temps finit par te convaincre de quoi ? Qu'est ce que c'est que devenir comme Fawkes ?"

John était allongé par terre, il n'avait même pas réagit quand Matthias s'était jeté sur lui. En temps normal il aurait été le premier à se jeter dans la bataille. Mais aujourd'hui le coeur n'y était pas.

Puis Searclaw parla: "C'est ce que font les amis les uns pour les autres. Ils se pardonnent, et ils s'aident."

John eu un rire étouffé en entendant ça. C'était tellement absurde.

Puis Searclaw en rajouta une couche et John éclata de rire. Il croisa les mains derrière la tête et s' apprêta à écouter.



Bien ! Ca sent encore le débat stérile remplit d'hypocrisie, de bons sentiments et de tortures intérieures.

Ignorant totalement les rires de John, qui traduisaient pour lui le nihilisme désabusé qui motivait son départ, Searclaw fixa Matthias dans les yeux.

- Au risque de paraitre mélo-dramatique, être comme Fawkes, c'est perdre tellement espoir qu'on ne croit plus en rien. Au point qu'on se détourne de ses camarades, pour jouer sa vie et mourir tout seul. Ce que j'attendrai si je devais devenir comme ça, c'est exactement ce que tu es entrain de faire avec moi Matthias. Me raisonner, pour me convaincre de rester. Et même s'il me semble que dans ce cas précis, j'ai raison de tenter le sort pour sauver la vie d'un ami qui essaye de se suicider par procuration, je te remercie pour l'attention.

Le jeune homme courba la tête, et parla plus doucement :

- Je ne souhaitais pas monopoliser l'attention par mes actes, et je n'essaye pas de faire la morale à qui que ce soit. Mais je suis qui je suis. Je ne peux pas rester les bras croisés et faire comme si rien ne se passait, pas plus que je ne peux me résoudre à croire qu'il n'y a plus d'espoir pour Fawkes. Je suis désolé d'avoir fait autant de remous.

Matthias sourit de toutes ses dents.


"A ceci près que je n'essaie ni de te convaincre, ni de te retenir. Je crois que Fawkes réussira son voyage. Et même s'il échouait..."


Se rapprochant un peu plus, le jeune homme souffla à l'oreille de Searclaw:


"Il n'existe pas d'espoir, pas d'échappatoire, il n'y a jamais qu'une seule issue..."


Toujours souriant il lui tapota l'épaule.


"Tu devrais le laisser tracer sa route mais...

Puisses-tu trouver la tienne.
Oublies pas de nous appeler."