Un jour au paradis

Revenant furtivement à la discussion après une remarque de Jack, Gray se permit d'apostropher se dernier :

"Deux choses Jack : il est moins honorable d'abattre l'homme sans défense que de terrasser une armée venant d'un royaume d'esclavagisme et l'avènement du Communisme nécessitait, selon Marx, non pas la chute, mais l'autodestruction du capitalisme."

Gray sourit, de toute façon, ce qu'il disait été inutile.

"Tué Randall Flag l'homme seul dans le désert, ce n'est pas tué Randall Flag héritier de satan et compagnie maître des enfers sur terre. J'ai lu il y a longtemps un roman sur ce qu'aurait pu devenir Hitler s'il avait été accepté aux Beaux art. C'est une histoire très intéressante."

Le jeune homme baillant aux corneilles haussa distraitement les épaules et fit un signe à Cinoque qui ne refusa plus de lui céder l'arme. Après l'avoir tendue à Byleth avec son plus aimable sourire, Matthias leva les deux bras en s'exclamant:


"Camarades, nous sommes attendus, inutile de trainer plus que ça. Nous rentrerons pour la nuit !!!"


Personne ne s'était dressé contre lui, il ne rencontrait aucun obstacle si ce n'était la molle protestation désabusée de quelque uns. Une seule personne aurait pu le faire changer d'avis, et, elle ne s'en donnait même pas la peine, sans doute que la vie en question ne valait pas de grands efforts. Fawkes avait même esquissé quelques pas pour les accompagner mais avait renoncé devant l'outrageuse attitude de Byleth, épargnant à Matthias la peine de le repousser lui même. Non pas d'une paire de main en plus eut été de trop mais depuis que l'homme avait clairement exprimé son refus de décider par lui même, Matthias prenait bien garde de ne plus jamais lui donner d'ordre ni de l'accepter pour un travail commun.

La petite équipe se mit donc en route vers le campement de celui qui les attendait avec impatience pour un ravitaillement dont il n'avait en réalité même pas vraiment besoin. Facile de manger au râtelier de nomades avenants. Un peu plus délicat quand ceux ci prenaient prétexte d'une justice humaine pour occire un homme potentiellement dangereux. Une vie pour en sauver d'autres... Matthias aimait bien la conception de Searclaw et se rangeait prudemment derrière cet alibi.

Tout le long du chemin il sifflota quelques airs d'opéra légers et entrainants. Quelques heures plus tard ils débouchaient sur une petite clairière où les attendait Randall Flagg.
Matthias, l'air dégagé, souriant comme toujours, s'avança sans hésitation mais se dispensa de la poignet de main qui lui était coutumière aux premières présentations.
Il le salua cependant de sa voix nette et claire, partant en un discours de son cru:


"Randall Flagg, je suppose ? Comment as-tu dit Jack ? Ha ouiiiii ! "L'envoyé de Satan sur terre". Hahahahahahah les gens ont de drôle de croyances parfois, n'est ce pas ?
"On ne discute pas plus avec les croyances qu'avec les cyclones." disait un écrivain de l'autre époque.

Mais dis-moi... tu ne te sens pas un peu con d'avoir convoité nos ressources avec arrogance ya quelques lunes puis de mendier à toutes les gamelles aujourd'hui ? Sans compter que finalement, tu ne sembles pas plus démunis que ça. J'ai tendance à croire que t'es plus stupide que je le croyais en fait."


Etrange préambule que le sien d'autant que son attitude était absolument nonchalante et qu'il ne se départait absolument pas de son sourire charmeur.


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Searclaw s'avança à son tour, lance à la main, l'adrénaline pulsant maintenant dans ses veines, et il s'empara brutalement du bras de Matthias, le forçant à se détourner momentanément de Flagg. Maintenant fermement l'oreille de l'affranchi au niveau de sa propre bouche, il parlait vite d'une voix sifflante rendue sourde par la colère, et ses yeux qui avaient pris la forme de minces fentes, détaillaient ses autres compagnons par dessus l'épaule de Matthias :

- Je suis pas venu assister à une pièce de théâtre, Stôger. Vite et bien, ça suffira. On se dispensera de te regarder jouer comme un chat avec une souris...

Pendant que Stöger s'enorgueillissait du manque de tact passé de son adversaire, Byleth faisait le tour du blanc-bec, allant même jusqu'à tâter les frusques du bonhomme avec une désinvolture manifeste.
Alors que Searclaw s'entretenait vaguement avec Matthias afin de remettre les choses au clair, Flagg commençait à bouillonner d'impatience devant l'attitude du grand noir azimuté. Un regard mauvais de la part du futur cadavre suffit à BF pour démarrer convenablement les hostilités.

" Ben quoi? T'as pas bien digéré ton p'tit déj' whitey? J'te sens tout palichon! Relax, comme prévu, on est là pour te donner des médicaments. Oh, regarde, Stöger voudrait encore te dire un mot!

Flagg eut à peine le temps de tourner la tête que déjà les godasses crottées de Big Funk rencontrèrent avidement son entre-jambe. Plié en deux, le pauvre hère ne lâcha pas pour autant sa lance de fortune. Le temps d'un léger flottement, Big Funk réitéra l'action et plaça son pied sur le bout du morceau de bois. Les couilles de Randall devaient à présent souffrir le martyre, son visage bouffi par la douleur en était l'ultime témoignage d'ailleurs. Falevor entama un rire démoniaque alors qu'un peu de bave suintait du gosier de "l'envoyé de satan". Le saisissant brutalement par les cheveux, il releva la tête de l'homme aux testicules meurtries et lui présenta son majeur à l'ongle gigantesque:

" C'est l'heure de la piqure, mon vieux.

L'immense doigt de Byleth pénétra l'oeil droit de Randall et, d'un coup sec, le sortit de son encoche telle une olive que l'on sort de son pot. Le globe ne pendant plus qu'à un fil, soit une esquisse de nerf optique, Flagg poussa un hurlement effroyable, maudissant dieu sait quelle sous race de l'humanité... Misanthrope jusqu'au bout. Las de cajoler son nouveau joujou, Falevor fit basculer cette furie emprisonnée dans la cage crasseuse de la douleur vers les deux compagnons masculins. La tache était loin d'être totalement accomplie, d'autant que le visage amputé de Randall invitait toute âme un minimum charitable et sensible à vomir allègrement ses tripes devant tant d'horreurs. Se tournant vers la seule femme présente, la belle Alicanta, Big Funk fit la moue et commenta, visiblement peu soucieux de connaître la suite de cet événement sordide:

" Finalement, je pensais que ce Randall Flagg ferait preuve d'un peu plus d'humour.

Lorsque Searclaw lui siffla quelques mots à l'oreille, détournant son attention d'une éventuelle réponse de sa proie, le jeune homme esquissa un mouvement qui prédisait un discours grandiloquent mais qui resta malheureusement en suspend. La main de son compagnon de route venait de se crisper un peu plus sur son bras tandis que Byleth entamait son petit tour de chauffe. Matthias lui aussi resta interdit devant la démonstration d’énucléation.

Le jeune homme n’avait jamais eu de goût prononcé pour la souffrance physique qui le répugnait passablement tant pour lui que pour les autres.
S’il était capable de discourir pendant des heures avec son condamné à mort, même s’il savait qu’il ne le gracierait probablement pas, et, d’engendrer une souffrance morale, il n’avait jamais torturé quelqu’un au sens propre et matériel du terme. Exception faite peut être du dernier agresseur de Naïma, quoiqu’il n’eut pas beaucoup de temps avant le dernier souffle de celui là.


Mais alors qu’il était plongé dans ces réflexions, Alicanta et le gros Black s’éloignaient déjà tandis que Searclaw partait de son côté d’un air furieux.


La tête de l’homme à terre suintait le sang et la salive glaireuse de la latine. Matthias s’approcha avec l’air affligé qui lui semblait de circonstance.


« Tu vois mec, les rendez-vous intimes sont toujours plus intéressants que les fêtes de groupe. Finalement c’est con… t’auras raté même ta mort.
J’aurai bien discuté le bon de gras avec toi mais j’crois que je vais vomir si tu continues de geindre… On s’retrouve chez Adès, hein ! »

Les deux flèches partirent rapidement coup sur coup alors qu’il appuyait avec sa chaussure sur un des côtés de la mâchoire. A gauche de son pied, une dans la gorge. Puis à gauche, dans la tempe. Elles furent tout aussi rapidement retirée… fallait pas gâcher le matériel.
Les hurlements furent finalement de courte durée.