La vérité est ailleurs.

L’idée lui trottait dans la tête depuis un bon bout de temps. Aujourd’hui le camp était désert, tout le monde étant occupé par ses tâches journalières.

Il aurait été embarrassant que quelqu’un le voit faire, c’était donc le moment parfait pour mettre son plan à exécution.

Après un dernier regard autour du camp, John se glissa dans la tente de Onze.

Il s’approcha silencieusement de la petite Sarah, endormie sur la couchette. Ca y est. John sentait qu’il touchait au but. Il sentit l’ excitation monter et son coeur battre la chamade. Aujourd’hui il était enfin décidé à COMPRENDRE !

Il s’accroupit à côté du bébé endormi et l’observa sous toutes les coutures. Il fit son bilan.

Alors... T’es sortit ya quelques semaines. Tu sais pas encore marcher. Tu sais pas encore parler. Tu restes toutes tes journées à dormir, à chialer et à téter ta mère...

John fronça les sourcils et eu un rictus extrêmement dubitatif. C’était comme si un éclair venait de le frapper sur le crâne, comme si une tornade venait de l’emporter et le ballotait dans tous les sens, comme si le monde entier s’écroulait autour de lui. Soudain il venait de se rendre compte de ce qui était pour lui une absurdité sans nom, un illogisme démentiel, un paradoxe cosmique allant au delà de concepts tels que l’évolution, le temps, l’espace, la vie ou même Dieu.

Bloody hell ! Mais à quoi tu sers ?!

John regarda le bébé se réveiller et bouger doucement. Il le fixa un moment en ayant l’air de faire un effort hautement intellectuel. Avec beaucoup de mal apparemment.

Il se concentra sur l’ accoutrement ridicu la grenouillère de l’enfant.

Je parie que tu sais même pas ce que c’est qu’une grenouille.

John se releva pour observer de haut le nourisson.

En plus ça ressemble même pas à une grenouille. C’est vert d’accord... Mais c’est qu’un morceau de tissu...Pouah ! Du synthétique en plus ! J’aimerai bien savoir qui est l’éspèce de tordu qui a inventé ce truc !

Et toi non plus d’ailleurs, tu ressembles pas à une grenouille ! Je sais pas pourquoi Matthias il t’appelle comme ça ! T’es pas verte, tu sais pas sauter... Toi tu ressembles à... à... Nan, pas à un élan, c’est bien trop gros... ! Un Ouistiti ? M... Mais c’est beaucoup trop poilu !!! ... En fait... Tu ressembles à rien de connut !

Le bébé se mit à sourire et à rigoler en secouant ses membres.

Mais dis voir, ca t’interesse pas ce que je suis en train de dire ?

La petite Sarah était maintenant hilare, regardant l’écossais déblatérer sur son compte. Incompréhensible, mais drôle.

Est ce que tu connais les élans au moins ? Non ? Alors arrêtes de faire ta malîne comme ça !

John s’accroupit et posa les pouces sur sa tête en ouvrant les mains.

Ca a des cornes comme ça, et ça fait des "BRAAAAAAH" qui font très très peur !

...

BRAAAAAAAAAAAAH !!!

...

T’as pas l’air convaincue...

Tu préfère les Ouistiti alors ? C’est vrai que le nom est marrant... Mais ils font pas de ‘’Braaah’’, ils font des ‘’Hicicicicic !’’. Ce qui est beaucoup moins cool. Par contre ils sont plus acrobates. Et ça c’est bien !

John recula un peuen s'échauffant les avants bras.

Attention j'y vais !

Il se mit en position.

Regardes bien, hein !

Petit échauffement des doigts...

Je te préviens je le ferai pas deux fois !

Repérage du terrain...

Ca demande de la préparation !

Oui, oui...

Ahem... Hem...

*Baillement*

OK !! Ok, j'y vais !

John prit son courage à deux mains... Et fit le poirier. Essaya en tout cas.

Gnnnnnh... ! Alors ? C’est... Oumpff... C’est pas facile tu sais ! Wooooh...

Puis il sentit son équilibre partir au loin et ses coudes se plier sous son poid.

Fuck !!

*Bam*

Une fois de plus, Sarah hurla de rire. John s’assit en tailleur et passa sa main sur sa tête douloureuse.

Ahem... Tu as l’air d’accord...

Et le temps passa. Deux heures pendant lesquelles John ne s’arrêta pas de parler.

Une vache ça te bouffe trois hectares, moi avec trois hectares, je te fais deux mille kilos de riz…avec trois hectares, je nourris Edimbourg, tu vois…

De philosopher.

Un biscuit, ça n’a pas de spirit, c’est juste un biscuit. Mais avant c’était du lait, des œufs. Et dans les œufs, il y a la vie potentielle.

De se confesser.

Une noisette je la casse entre les fesses tu vois !

Hey ! Tu m’écoutes ?

John se releva pour constater que Sarah ne riait plus et qu’elle était visiblement fatiguée.

Non mais, tu sais pas que c’est très mal poli comme attitude !

Il se pencha en avant en pointant son index vers le visage de l’enfant.

Je devrai te donner une bonne correction pour ça ! Ca mériterai un panpan-cucul à l’écossaise !

Sarah sourit de nouveau et attrapa le doigt en lançant un ''Nyah !’’ un brin endormi.
John ouvrit de grands yeux ronds. Il était stupéfait.

Parce qu’en plus tu comprend RIEN ?!

Je viens de comprendre. C’est ce que me disait grand père. "Bénis soient les nourrissons et les simples d’esprit car ils sont les seuls capables de nous regarder sans haine et sans jugement. Ils ne voient ni nos fautes, ni nos erreurs, ni nos crimes. Tous ce qu’ils voient n’est que pureté. "

Hahahahaha !

John se mordit la lèvre en serrant un peu plus la petite main de l’enfant.

Alors, c’est vrai ? C’est vrai qu’on peut tout pardonner ? Est ce que...

Est ce que moi aussi j’y ai droit ?

Hein ? Sarah...

La petite émit un petit son avant de refermer les yeux. John remit sa couverture en place. Il l’observa encore quelques secondes avec un regard mélancolique.

Je vais te laisser maintenant.


















Charade you are !

Ce fut à ce moment que Onze rentra sous sa tente, surveillant comme d'habitude que tout allait bien pour sa fille... Quand elle se retrouva nez à nez avec John, la jeune femme ne put retenir un hoquet de surprise. Elle aurait pu s'attendre à y trouver Matthias, mais John, l'idée ne lui serait jamais venue...

Qu'est ce... Qu'est ce que tu fais là ?

Elle jeta un coup d'oeil rapide sur Sarah, constatant qu'elle dormait maintenant profondément. Un soupir de soulagement lui échappa et ce fut d'une voix plus calme et plus douce qu'elle demanda à l'homme :

Tu venais la voir ?

En se retournant pour sortir, John se retrouva nez à nez avec Onze. La surprise lui fit pincer les lèvres et ouvrir des yeux énormes, comme un lémurien.

Suite aux questions de la jeune femme, son visage devint rouge comme une tomate. Totalement prit de cours il ne put que balbutier.

Aaah ! I... Euh... Eurr... Na... Naon... Erm... Nan ! Euh...

John déglutit et réussit finalement à parler.

Je me suis juste euh... perdu !

La jeune femme se mit à rire...

Tu t'es perdu ? Dans ma tente ? J'habite pourtant pas un palace !

Le regard inquisiteur, elle observa les réactions de John, amusée de son embarras...

Tu sais, ça ne me pose pas de problèmes que tu viennes voir Sarah. On ne voit plus des bébés tous les jours faut dire... Tu la trouves comment ?

"Tu la trouve comment ?"

Voilà une question bien difficile. John pensa d'abord répondre "Sur son lit" mais se ravisa parce qu'en fait c'était pas drôle.

Il regarda la petite qui dormait et se ressassa tout ce qu'il avait put observer.


Etonnante.

Etonnante... Il avait raison. Avec un sourire, elle rajouta :

Et ce n'est pas fini ! Tu verras quand elle commencera à parler ou quand elle marchera ! Et qu'elle te courra après en criant "Tonton John" !

"Tonton John". Ca sonne plutôt bien.

Oui. Je... J' attend de voir ça !

John prit une profonde inspiration et expira calmement.

Ecoutes, j'ai encore une chose à régler. Alors je vais y aller. Je... A plus tard.

John sortit de sous la tente et s'éloigna. Il releva la tête lançant un regard volontaire et serrant les poings. Il était maintenant résolu à terminer ce qu'il venait de commencer.