Les Affranchis
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Les Affranchis

Forum du groupe nomade des Affranchis - Fractal
 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
-55%
Le deal à ne pas rater :
Coffret d’outils – STANLEY – STMT0-74101 – 38 pièces – ...
21.99 € 49.04 €
Voir le deal

 

 Le dernier métro.

Aller en bas 
AuteurMessage
Matthias Stöger

Matthias Stöger


Masculin Nombre de messages : 1225
Date d'inscription : 08/06/2008

Le dernier métro. Empty
MessageSujet: Le dernier métro.   Le dernier métro. Icon_minitimeMer 23 Juil - 0:55

L'iris se distend. Le trou noir de la pupille reste béant.

CLAC !


Le déclic résonne entre les tympans, comme sorti de nul part.
Le jeune homme sursaute imperceptiblement mais manque de relâcher la tasse qu'il a entre les mains.



Fait suffisamment rare pour être notable, ce soir là, au milieu de ses compagnons, Matthias ne parle pas.


Son regard n'est plus qu'une bille noire et hagarde qui n'arrive plus à fixer.
Le long de ses tempes quelques goutes de sueur commencent à perler.


Pendant le repas il laisse passer les morceaux et sa gamelle sans sourciller s'éloignant chaque seconde un peu plus de l'éclat du feu de camp. Le repas touche à peine à sa fin que Matthias a disparu.


La plaine s'étend à la fois accidentée et indéfiniment plate.
Il est déjà loin que les bruits du campement lui arrivent encore avec une intensité démesurée.
Il presse le pas.
Le paysage défile pourtant au ralenti.
Dans son crane les sons se sont estompés, il n'y a plus que le bruit de ses pas et sa propre voix.
Il est en nage.
Le relief est parfois proche, parfois lointain, de plus en plus déformé.
Il va vomir s'il ne s'arrête pas.


Il s'écroule hors d'haleine avec l'impression que l'amertume de l'infusion a contaminé la salive qu'il produit.
La terre tangue, il s'y enfonce.
Les idées, les sentiments, les peurs se mélangent indistinctement.
Il ferme les yeux.
Des couleurs délirantes le submerge, le temps passe sans qu'il n'en ait aucune notion.


CLAC !


Comme une déchirure. Est-ce son cerveau qui a produit ce bruit là?

Il ouvre un oeil puis l'autre, il est sur la pente descendante il le sent.



Le jeune homme se lève en vacillant. Nerveusement il frotte ses mains contre son pantalon. Il a l'impression que les extrémités sensorielles de ses doigts sont humides et fourmillent.




Peu à peu une forme différente dans le relief capte son attention.

Il s'approche avec quelques difficultés. Une jeune femme semble dormir, enroulée dans une vieille couverture mitée. Il voudrait se pencher sur elle et la toucher pour la réveiller.
Quelque chose le retient.
Il essuie une nouvelle fois ses mains contre son pantalon comme si une eau poisseuse y adhérait puis s'éponge le front avec la manche de sa chemise.



" Psst... "


Il déglutit et retente.


" Hey... réveille toi... "


Quelques instants s'écoulent dans le silence le plus complet.
L'inconnue ouvre un oeil vide de zombi qui a pour effet de mettre Matthias hors de lui.
Un violent coup de pieds part s'enfoncer dans ses côtes.



" Hey!!!! Lève toi ! "


Sans sourciller la jeune femme se dresse sur sur séant. Son regard fixe un point près de lui sans le voir réellement.


Matthias renifle bruyamment et la dévisage avec quelque chose haineux dans les yeux.
Fébrile, il commence à faire les cent pas autour d'elle.



" T'sais que j'ai croisé une de tes semblables dans une forêt près de Nomad's Land ? Naturellement tu t'en fous... "


Le revers de sa main frappe durement le visage de la malade.

Il s'assoit près d'elle se frottant toujours les doigts d'un geste inconscient et maniaque mais avec l'air un peu plus calme maintenant qu'il parle à nouveau.



" Elle était bien plus jolie que toi. Un beau gachi. Elle errait toute seule à travers les bois. J'ai essayé de lui parler, d'attirer son attention sur quelque chose mais c'est inutile n'est ce pas? On ne guérit pas de ça, hein ? Je l'ai ramené quand même jusqu'à la "ville". Puis Alopias a dit qu'il valait mieux la laisser. Tu crois qu'on peut laisser les gens dans le néant ? Je crois que je n'aimerai pas.
Je l'ai couché dans un vieux lit. Elle avait la peau blanche, un sourire un peu béat.
Une belle au bois dormant... J'ai serré mes doigts autour de son cou. Sa peau était douce. C'est tellement facile. Quelques secondes, un dernier hoquet, rien de plus simple.
"


Il renifle à nouveau. Calme à présent, sa voix se faisait plus douce:


" Malgré tout c'est dommage. Imagine que ça arrive à... à.... à quelqu'un que j'aime vraiment, ça me ferait surement de la peine. Parce que regarde toi: t'as l'air d'une jolie idiote comme ça.

Bien. Je crois que c'est la fin, non?
"
Revenir en haut Aller en bas
Matthias Stöger

Matthias Stöger


Masculin Nombre de messages : 1225
Date d'inscription : 08/06/2008

Le dernier métro. Empty
MessageSujet: Re: Le dernier métro.   Le dernier métro. Icon_minitimeDim 2 Nov - 17:06

LUNE 166.



Sous la pression violente du coup de coude, le cartilage du nez s'étala avec un charmant craquement. Un borborygme infâme s'échappa de la gorge en guise de protestation.


"Ah bah oui ! Ca fait mal, un coup.
Mais s'tu avais été moitié moins con, tu serais pas en train de crever.
M'ouais...
Nan. Je plaisante.
Même moitié moins con tu serais en train de crever mais j't'aurai peut être épargné ces dernière minutes de souffrances.
"


Matthias arracha le silex mal taillé que l'homme serrait encore fébrilement entre ses mains.


"Tss, tss. C'est du matériel d'amateur ça mec. Par contre avec ce truc là, t'aurais pu la tuer proprement du premier coup. Tu vois?"


Jetant négligemment la pierre plus loin, il porta la main à sa ceinture et exhiba un joli poignard de chasse.


"J'l'ai volé à un type qui l'avait pris à un autre qui... une longue lignée de vols en somme.
Oh mais je laisse le temps filer alors que on sang s'écoule en même temps. Quel manque de tact! Je suis désolé.
"


Par un mouvement vif, la lame trancha la ligne zygomatique puis de sa pointe vint perforer un globe oculaire.
Le liquide s'écoula alors qu'une crispation de la paupière tentait sans succès de retenir le flot. la douleur quant à elle fit son oeuvre en creusant lentement deux tranchées ensanglanté sur le visage de celui qui gémissait à en perdre haleine.
Et juste par plaisir, la lame fit une incursion mordante sur les tendons du talon, mouvement à l'occasion duquel le jeune homme prit la peine de faire remarquer:



"Elles sont sympas des chaussures, t'as pas du faire des kilomètres dans le désert toi. Ils t'ont laissé sortir récemment parce que t'as une durite qu'a sauté? Parait que ca arrive souvent... Nous on préférait les bouffer, enfin c'est une autre histoire.
Bon c'est sur que là tout de suite avec le sang dessus ca fait moins classe mais un bon astiquage et elles feront un heureux, ne t'inquiète pas. Hey! Tu m'écoutes ?
"


Bavant et saignant autant qu'il pouvait le faire, l'homme se trouvait désormais au bord de l'inconscience. Agacé Matthias lui fracassa les dents à l'aide du manche de son couteau.


Se redressant il s'imagina l'arroser d'alcool tendit qu'il fumerait une cigarette qui viendrait enflammer ce qui ferait vraisemblablement une magnifique torche. Une torche à laquelle il arracherait enfin un vrai cri. Une torche qui se relèverait pour se débattre.
Quoique... peut être était-il désormais trop humide.

Sortant de cette réflexion jouissive, Matthias s'aperçut que l'homme était déjà mort.
Haussant les épaules, le jeune homme tourna les talons pour retourner voir l'état de sa belle.



"Bah ! Toute façon le feu s'était l'enterrement des héros. Tu mérites plutôt les charognards.
Revenir en haut Aller en bas
Matthias Stöger

Matthias Stöger


Masculin Nombre de messages : 1225
Date d'inscription : 08/06/2008

Le dernier métro. Empty
MessageSujet: Re: Le dernier métro.   Le dernier métro. Icon_minitimeJeu 6 Nov - 0:38

L'étranger.


« Ta conscience, tu l'as donné au diable quand t'as tué ta mère, alors vas y ou j't'en colle une. »

J'avoue.
J'ai hésité, juste une seconde et il l'a senti.
Forcément, fatalement, inévitablement il l'a perçu comme un chien perçoit intuitivement la peur. Comme si cette fraction de doute avait eu l'odeur suave et collante d'un parfum de femme bon marché.



Oh oui mon père ! Ton fils n'avait pas encore crié qu'il s'était déjà qualifié d'assassin. Au fin fond de cette cave sordide qui te servait d'abri tu t'es exclamé "tu es un tueur mon fils" et jamais il ne t'arrivera de dire "tu seras un homme, mon fils"
Je sais que tu ne m'en veux pas, tu ne l'aimais pas.
D'ailleurs tu n'aimes personne ni elle ni aucune des putes qui nous ont nourri .
Tu ne m'en veux pas et je sais que tu admires un peu ce tour de force: t'avoir débarrassé d'elle sans passer par la case police.


Vienne, ce soir, à ce goût particulier de ville en été.
La nuit serait probablement étoilée si les lumières ne l'aveuglaient pas. Les gens sont ragaillardis par la douceur de l'air, les filles sont jolies et la musique ça et là donne un ton de fête.
A la terrasse d'une brasserie je bois cet alcool sucré dont j'ai oublié le nom.
Ce n'est tout à fait l'heure des réjouissances.



Cher père, tu m'offres ma première fois avec l'engouement de quelqu'un qui remettrait la vie, sa vie, entre les mains de sa progéniture. A quel prix protège-t-on son espèce?


Depuis ma place, je détaille les minettes en jupes courtes et les femmes mariées bien trop prudes pour être honnêtes.
Et je repense à ma conscience. Prend-t-on ce genre de femmes comme on prend une prostituée ?
La frontière entre les deux est-elle aussi mince que les deux rues que je vais avoir à traverser ?
Patience mon garçon, calme toi, tout vient à point à qui sait attendre, souviens toi.
J'ai toujours détester attendre, j'ai besoin de savoir là, tout de suite, immédiatement.

Pourtant... chaque chose ne vient qu'à son heure.

Par réflexe, je tâte la poche intérieure de ma veste pour vérifier la présence de l'accessoire dont mon père n'a pas manqué de me munir.
Règle de survie numéro 1 je suppose... toujours en avoir sur soit. Fébrile mais déjà heureux, je ne peux m'empêcher de sourire à la ronde.



La ruelle est passablement sombre mais j'ai préféré sacrifier l'esprit chevaleresque et ma peur du noir à un soupçon de précaution.
Bien sur l'épisode n'a rien du romantisme que l'on trouve dans les  histoires d'amour et de filiation mais il a le goût inimitable des premières fois.

La courbe du dos contre mon torse, la gorge palpitante à ma merci, la découverte de l'étrange langueur du corps qui succède aux râles. J'ai rarement pris autant de plaisir que cette nuit là.



A travers le miroir de ma chambre je tente de percevoir si quelque chose a changé sur mon visage et je m'égare.
Sans que je puisse dire s'il y a un lien de causalité, ma pensée s'échappe vers la femme qui fut ma nourrice. La femme qui en définitive m'a inculqué la douceur et la sensualité qui accessoirement m'a appris à lire avec les romans que lui offraient son client le plus régulier. Puis successivement je passe en revu toutes celles qui m'ont soigné lorsque j'étais petit. Malgré la tendresse innée qu'ont les prostituées pour les enfants qu'elles ne voient que trop rarement, aucune d'elle n'a jamais pu combattre mon aversion pour la nuit, c'est étrange.
Mais déjà mon esprit braque sur toutes celles que j'ai possédé et dans lesquelles j'ai joui, toutes celles qui m'ont appris à baiser.



Oh oui mon père, depuis que ma virilité s'est éveillée je choisis les femmes pour toi, je les essaie, je les surveille, j'en prends soin et je les bat s'il le faut.
Depuis trop longtemps assurément.
Ha ! Tu voulais savoir et moi aussi.
En vérité tu avais tort. J'ai été un homme avant d'être un assassin.


Cette nuit était bien la première fois, je le sais maintenant. J'ai accomplis mon destin de fils en sauvant la vie de ce connard de maquereau. Ne lui devant plus rien, je pars. Je sens que Paris et Berlin m'appellent comme des maîtresses en manque.

Nulle forme, nulle image, nulle architecture, ne déforme le miroir de la chambre, rien que les escaliers concentriques de la folie pure.
Je perce la substantialité des choses.
Pour vérifier je prends mon envol. Pour annuler, je retombe à terre.

Et debout devant le lavabo je regarde l'eau dissoudre les dernières traces de sang qui souillent la lame qu'il m'a offerte.
Revenir en haut Aller en bas
Matthias Stöger

Matthias Stöger


Masculin Nombre de messages : 1225
Date d'inscription : 08/06/2008

Le dernier métro. Empty
MessageSujet: Re: Le dernier métro.   Le dernier métro. Icon_minitimeJeu 8 Jan - 12:24

On ne meurt pas que deux fois...


Lune 185 à 186.


Tu dors, la respiration à peine hachée par les rêves et les cauchemars de ta vie. Tu dors, le souffle pas tout à fait régulier. Te bats-tu ?
Tu dors avec ce mélange très curieux de calme et d’agitation qui t’est propre, je le découvre peu à peu. Peut être ne sommes nous pas si différents.
Si. Nous le sommes quand même : tu dors alors que je crains le sommeil de la nuit, comme toujours. Mais je supporte cette nuit glaciale parce que tu te blottis mieux contre moi, à la recherche d’un peu plus de chaleur.

Tu dors, je monte et je descends les escaliers de ta vie sur le fil de ta respiration. Je repense à toutes les choses que tu m’as dites, que tu as essayé de m’inculquer. A ces mots, en particulier : il y a « Les survivants et les vivants ».
Tu dors alors que je ne te comprends pas. J’aimerai te réveiller et faire pleuvoir sur toi les dizaines, les centaines de Pourquoi qui m’habitent. Mais c’est toi qui ne comprendrais pas. D’ailleurs tu ne cherches jamais, à me comprendre.

Tu dors, j’erre dans les méandres de ton existence, me demandant si j’y ai vraiment de la place. J’hésite. Entre descendre et remonter, partir et continuer. Je voudrai percer ton sommeil, m’y insinuer, t’éclairer, m’éclairer. Tu t’éloignes, je crois, après une étreinte, je sens que tu m’échappes, je sens que tu me happes. Je voudrai crier : étreins moi encore… atteins moi, moi tout seul je n’y arrive pas. Mais je crois que je n’ai pas de place. C’est peut être mieux ainsi.

Tu dors, et pendant ce temps, j'hésite: descendre, remonter, partir, rester. Je te regarde et trotte dans ma tête cette phrase qu’il m’a dite : « On ne peut encaisser qu'une quantité finie de souffrance ».
J’hésite. « Soufreriez-vous d'une absence de souffrance, Matthias ? ». Pourquoi cette question ?
Tu dors, je ne souffre pas.

Tu dors alors que j’aimerai te citer la dernière chose que j’ai lue.
« Mais nous vivions dans une illusion. Nous croyions que, pour nous, mourir était injuste. Nous étions incapables de disparaitre simplement. Ça posait des problèmes, toujours. Ça chamboulait des existences. Nous n'échappions pourtant pas, comme n'importe quelle créature sur cette terre, à la pourriture et à l'oubli. Je ne savais pas trop quoi lui dire pour le réconforter. J'aurais pu lui balancer des trucs que j'aurais aimé entendre moi-même en de telles circonstances. La vie n'était qu'une suite de chagrins et de renoncements, ça relevait du chaos, lent mais inéluctable. La joie s'immisçait certes parfois dans nos existences mais la plupart du temps comme par inadvertance. On n'avait pas d'autres choix que de faire avec. » *



Tu dors et j’aimerai pouvoir dormir aussi, épuisé par les équations sans réponses.
Tu dors… et j’espère que tu le pourras encore demain. Je l’espère et je le redoute.
Tu dors… et j’hésite. Aller, venir, monter, descendre, partir, rester.

J’aimerai que tu le comprennes et je crois qu’elle le sait déjà, elle, ça aussi je l’espère.
On ne meurt pas que deux fois…





* Pascal Dessaint
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Le dernier métro. Empty
MessageSujet: Re: Le dernier métro.   Le dernier métro. Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Le dernier métro.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Affranchis :: Souvenirs ... :: La faute et la séparation-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser