Un jour au paradis

La radio fut éteinte d'un geste sec et déterminé. La confirmation venait de faire sourire Matthias. Depuis le temps qu'ils en parlaient... l'opportunité de débarrasser le monde d'un Randall Flagg. Matthias que l'homme agaçait de plus en plus avait déjà essayé de récupérer une arme de plus auprès de Bloby qu'il jugeait toujours tellement inutile.

Ainsi donc même Twitter Swamp se méfiait de l'esclavagiste qui trainait dans leur sillage depuis des lunes, un parasite, un dangereux personnage, un affreux de plus... ou de moins.
Le jeune homme alla voir Naïma, ancra son regard brillant au sien et déclara:


"Tu as entendu la réponse de Twitter ? Prête moi l'arc ou dit à Bloby de me filer ta lance, s'il te plaît."


Tout le monde avait pu l'entendre, le sort de Randall Flagg se décidait.




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Searclaw se leva lentement du tronc sur lequel il se reposait et vint se planter devant Matthias, la hampe de sa lance fermement en main. Naima le frôla au passage. Le jeune homme tourna la tête, et la dévisagea, tandis qu'elle s'éloignait. Elle avait fait un premier pas vers son propre monde. Une bonne chose de faite. Il était heureux pour elle. Et une pointe de tristesse aussi, parce que leurs chemins allaient bientôt cesser de se croiser, et que cette fois, pour la première fois, ils n'étaient pas dans le même camp. Les choses étranges de la vie, les séparations silencieuses, les clivages de fait. Il se surprit quelques instants à hésiter, avant de se rappeler que sa décision était déjà prise. Searclaw se tourna vers Matthias, et son regard troublé par Naima devint plus serein. Il énonça d'une voix claire et sans timbre :

- Je viens avec toi.

Onze avait elle aussi entendu la réponse de Twitter. Elle se fichait pas mal de savoir ce qu'il adviendrait du dénommé Randall Flagg, mort ou vif, son existence n'intéressait absolument pas la jeune femme...

Elle n'entendit pas la réponse de Naïma mais le regard qu'elle surprit lui indiqua que visiblement elle et Matthias n'étaient pas sur la même longueur d'ondes... La jeune maman hésita, puis rattrapa finalement la brune...

Naïma ? Ca va ?

La jeune femme sourit, contente de voir la brune plus sûre d'elle, plus indépendante.

J'ose imaginer que mes conseils t'ont été utiles alors, tant mieux. Mais...

Onze jeta un regard sur Matthias, plus loin, avant de revenir le poser sur Naïma :

Je connais tes idéaux, enfin en substance. Mais ce Randall... S'il peut s'avérer dangereux, il est peut-être nécessaire de faire... exception.
Ne vas pas croire que je veux donner à nouveau la possibilité à Matthias de s'amuser à tuer, je pense plutôt à ma fille. Si ce type pénétrait dans le campement à un moment où je ne suis pas avec elle...

Elle baissa légèrement la tête...

Je crois que je suis devenue légèrement paranoïaque depuis la naissance de Sarah. Mais je ne pourrai pas me pardonner qu'il lui arrive quelque chose...

Avant de se poser sur Searclaw, les yeux du jeune homme suivirent l'herboriste qui fut immédiatement rejoint par Onze. Fugace ombre de contrariété vite dissipée par le sourire qu'il adressa à l'homme. Il n'y avait pas que l'attitude des deux femmes qui lui semblait étrange. Avec son air curieux, Matthias lui demanda:


"Pourquoi, Searclaw ?"

Le jeune homme plissa les yeux, et pencha la tête sur le coté, laissant ses cheveux reposer contre le bois de la lance. Il inspira profondément :

- Mes opinions ont une force, et m'imposent de les mettre en pratique. Un idéal que l'on n'est pas prêt à assumer ou défendre jusqu'au bout, ce n'est pas vraiment un idéal. Je le fais parceque je rends service à mon frère humain. Prendre une vie pour en sauver d'autres. Combattre le feu par le feu, quitte à me bruler. C'est la voie que j'ai choisie. Et puis...Ce n'est pas un homme qui va mourir. Les choses comme lui ne savent pas ce que c'est que d'être un homme.

Je comprends ...

Oui, elle comprenait Onze. Elle avait peur pour Sarah, ce qui était compréhensible. Honorable, même.
Et oui, Randall était une ordure. Mais il ne leur avait rien fait de plus que leur proposer un marché risible, il y avait quelques lunes. Il demandait maintenant de l'aide. Et Naïma n'allait pas répondre d'un coup de lance.

Je n'aiderai pas, Onze. Même si ce Randall est dangereux. Je n'aiderai pas à attaquer en premier.
Mais je n'empêcherai pas Matthias d'y aller s'il le veut. Ni toi de l'accompagner si tu juges cet acte nécessaire.
Je ne m'en mêlerait pas, et vous sentirez clairement que je suis contre. Matthias dormira peut-être à la belle étoile pendant quelques nuits.

*Ou avec toi ...*

Mais il est hors de question que je continues plus longtemps à me mentir comme ça, et à faire comme si je ne voyais rien de ce que fais Matthias.

Elle eut envie de croiser le regard d'un autre homme du groupe. De voir le regard qu'il portait sur elle à cet instant précis.
Mais elle se retint, de peur d'y voir la même chose que la dernière fois.

John eu un léger ricanement.

Décidément Searclaw, on est pas sur la même longueur d'onde. Ce type est bien humain en ce qui me concerne.

Il se tourna vers Matthias.

Les derniers évènements m'ont beaucoup fait réfléchir. Je pense que tu t'en doute : je ne viens pas.

Il hésita un moment puis reprit la parole.

Vous avez décidé qu'il méritait de mourir... En fait vous n'êtes pas si différent de lui...

- Que veux-tu John... L'éternel clivage entre l'Écosse et l'Irlande... Si ça peut sauver des vies, je suis prêt à jouer mon âme. Humain ? Flagg ? Sur un niveau biologique, certainement... Je pense qui si tu voyageais seul et sans armes, tu préfèrerais sans aucun doute nous croiser nous, plutôt que Flagg. Et tu constaterais alors à quel point nous sommes différents. Flagg t'aurait mangé, nous on t'aurait nourri.

Après avoir adressé un sourire vaguement compréhensif à Searclaw et John qui débattaient, il observa à nouveau distraitement les deux jeunes femmes plus loin. "Non". Juste "non" comme si ça pouvait être une réponse acceptable pour un homme qui ne demandait la plupart du temps qu'à comprendre. Bien que ça ne transparaisse pas du tout, il était furieux.

Pour répondre à John, il dit d'un ton neutre quoique ferme:



"Je n'ai jamais refusé mon aide à quiconque. Ce type là n'en a pas besoin en réalité, il cherche simplement à manger à notre râtelier.
Seulement voilà, je n'attends pas de regretter la perte de quelqu'un auquel je tiens en me disant, "je le savais j'aurai du agir plus tôt". La vie est assez risquée par nature sans en plus donner le bâton pour se faire battre."

Fawkes écoutait, bras croisés, un peu à l'écart.
Un homme dangereux était condamné à mort. Et cela divisait encore un peu plus les Affranchis.

Matthias jouissait de son pouvoir de vie ou de mort, et prenait la décision dans son coin, sans discussion, comme d'habitude, entrainant derrière lui certains idéalistes.
Naïma s'opposait de manière passive, les autres débattaient interminablement du bien et du mal fondé de cette action, et au résultat chacun finissait par faire ce qu'il avait envie de faire.

Avantage au partisans de la peine de mort.

Il haussa les épaules, désabusé. Twitter n'était plus très loin.

"Pacifique..."

Soupira Gray, appuyé contre un abre. Il regarda Fawkes un instant, il lui sembla qu'il pensait la même chose. A quoi bon. Le sort en était déjà jeté, le débat clos et Matthias gagnant. L'homme semblait prendre plaisir à jouer les régulateurs, à être juge et bourreau durant ces mascarades de procès auquel le condamné n'assistait même pas.

"La messe est dite."

Lança Gray en se redressant. Il s'en alla penser à l'écart, songer à la SMI et à l'époque où il sauvait encore des vies.

Adossé contre un arbre, Byleth faisait mine de ne pas entendre. Toutes ces jérémiades appartenaient aux Affranchis. Matthias, en aparté, l'avait convaincu du bien fondé de la chose. Point barre. Il avait tendance à penser que les gens trop compatissants avaient forcément quelque chose à se reprocher. Toute cette mascarade le rebutait au plus haut point, mais bientôt, la voix du vieux Big Funk sortit de sa tanière:

Vous faîtes chier. Je vais être vulgos, comme d'habitude, mais vous en ferez ce que vous voulez.

Naïma, ma belle... Ce n'est pas toi qui tiendra l'arme, ce n'est pas toi qui fera couler le sang. Au fond, je commence à croire que ce genre de manège pourra durer une éternité avec vos comportements d'hypocrites. Les états d'âme c'est bien, mais quand est ce que tu vas réellement agir? Il y a quelque chose qui vous démange le fion, à tous, mais le fait d'être en groupe bride votre individualité. Faîtes donc la gueule et accumulez la merde des mauvaises pensées dans votre cerveau si ça vous chante! Moi, j'ai choisi mon camp, et j'assumerai jusqu'au bout.

Regardez vous. Tous armés, et pas pour la chasse au papillon, oh noooooo... C'est pour quoi faire? Une mesure de protection? La bonne vieille excuse de la légitime défense? Ahahahahahahah!

Au bout d'un moment, faut arrêter les non dit. Soit on accepte tous la violence de ce monde et les comportements violents qui en découlent, soit on abandonne et la question ne se pose même pas, jusqu'à ce que le dit monde nous rattrape dans notre douce torpeur d'ermite idéaliste...

Vous avez même filé une lance à un mongoloïd! Quand la petite Sarah sera capable de marcher, tu lui donneras ton arc, Naïma, histoire de préserver un bout d'humanisme dans ce monde de crapauds baveux?

Moi et searclaw on s'est mis d'accord sur nos principes makhnovistes et donc je serai de cette expédition. J'espère que çà sera bref et sans bavures.

Je répète pour ceux qui n'étaient pas là lors de notre première rencontre. Ce mec s'appelle Randall Flagg ! C'est un psychopathe qui s'identifie dans une légende, à mon avis d'ailleurs tirée de la pop-culture précrash comme beaucoup de nos légendes. Celle de l'envoyé de satan sur terre, venu rassembler sous sa banière les pires criminels survivants d'une humanité exterminée et éparse afin de se conquérir un royaume de terreur et d'esclavage. Dans la légende une autre armée se dresse à l'est et finit par le faire tomber. S'il fallait rejouer ces vieilles sagas, je dirai qu'aujourd'hui on a toutes les cartes dans nos mains, alors autant les abattre.

Jack accompagna ses paroles d'un coup de poing sec dans le creux de sa main.

Vouloir la faire diminuer est une erreur, jolie papillon... Elle n'en serait que plus fière...

Byleth mit ses mains en porte voix et apostropha Naïma en ces termes:

Ne prononce plus jamais ce mot, je vous ai déjà prévenu à ce propos...

Ce n'était pas un jugement, mais un état de fait. Tes oeillières se portent bien, c'est déjà ça.

Onze regarda la jeune femme s'éloigner avec dépit. Elle ne fit rien pour la retenir ou la rejoindre, la brune avait sans doute besoin de rester seule pour faire le point... mais la jeune maman ne s'empêcha toutefois pas de dire ce qu'elle pensait à Byleth :

T'aurais pas pu te taire ? J'aurai pu la convaincre, mais y'a fallu que t'arrives avec tes gros sabots hein ! Bravo ! En quoi ça te gênes qu'elle veuille pas tuer ce type ? Ca va pas t'empêcher d'avoir ta gamelle bien remplie tous les jours et de déblatérer tes conneries ! Alors laisse la tranquille avec ses idéaux, même s'ils te semblent dépasser ! J'crois qu'on a b'soin de gens comme ça pour éviter que ce soit le carnage tous les jours !

Puis la jeune femme se tourna vers le reste du groupe :

Vous faites tous chier ! A chaque fois c'est pareil ! Matthias, la prochaine fois qu'tu veux buter un type, va directement voir ceux qui partagent tes idées et faites ça en silence. Je te crois assez doué pour dissimuler ce genre de choses...

Et j'en ai rien à faire moi que ce pauvre type vive ou non, mais entendre des engueulades, ça j'en peux plus. Et j'ai aucune envie que ma fille grandisse dans ce bordel ambiant !

Ah voilà, tout est là jeune maman, mieux vaut se taire et garder les mauvaises pensées pour les recoins sombres!
Est ce qu'on lui a demandé de buter cet enfant de pute? Non.

Ce qu'il y a, c'est que à la base vous vous emballez pour une question matérielle qui est foutrement ridicule.

Que ce soit clair pour tout le monde: Oui, je vais utiliser la lance de Blobby. Oh my god: DE BLOBBY, DE NAIMA, DE MATTHIAS, on peut continuer longtemps comme ça!
C'est qu'un foutu bout de bois taillé par l'homme, collez y vos noms pendant que vous y êtes, et précisez: "Ceci est un arc pacifiste". Bullshit! Blobby, par analogie, sera donc lui aussi un meurtrier selon Naïma. Collabo, ça vous colle à la peau. Bullshit!

Si ça plaît pas à la dame, qu'elle se bouche les oreilles, telle une hippie de Frisco aux lobes gorgés de cire, ahahahahahah! Moi je mange pas de ce pain là, et c'est pas demain la veille que je fermerai ma gueule, peu m'importe les conséquences.

Fawkes regarde tristement Byleth.

- Monsieur Falevor, avoir des opinions n'empêche pas le respect de celles des autres, vous ne pensez pas ? Surtout si nous sommes destinés à vivre en groupe. Je pense également que Flagg doit être neutralisé, mais je comprends largement l'avis de monsieur McJohn qui pense qu'étant un homme, Flagg ne peut que être dangereux.

Il soupir.

- C'est peut-être ce qui manque à ce groupe : les discussions.

Quel entrain! Pas gêné pour deux sous, Byleth offrit un large sourire à Fawkes et leva le majeur.

Vous devriez savoir où je me le fous, le respect, Monsieur Fawkes.

Fawkes hausse les épaules en se levant pour s'éloigner du camp.

- A la vôtre, monsieur Byleth. A la vôtre.

Searclaw observa longuement Byleth, en secouant la tête, les yeux à peine entre ouverts. Lorsque Fawkes tourna les talons le jeune homme emboita ses pas, et en passant lança quelques mots en direction de l'homme déguisé en super héros :

- Camarade, surveille tes manières. Dans le désert, on a besoin d'amis. On a accepté tes excentricités. Si t'as quelque chose à dire, fais l'effort d'y mettre les formes...

Ali était restée camper dans l’ombre de Jack, la main dans la tienne, à écouter chaque membre donner son a vis sur la sentence. Quant à elle, elle en avait assez entendu pour se faire une idée du bonhomme, encore un fou en liberté, qu’elle n’aurait voulu croiser pour rien au monde. Et puis comme elle l’avait dit à Matthias, ça faisait longtemps qu’elle ne s’était pas dégourdie les jambes, façon de dire qu’une bonne chasse remettait les idées en place dans ce monde de folie et elle en avait besoin. Passer son temps à la cueillette et à la production ne faisait que masquer sa condition : la survie ; le choix de pouvoir agir sur son environnement lui redonnait une sensation d’un peu de liberté malgré les pours et les contres. Et puis de toute façon il y avait Jack.
Toujours attachée à sa main, elle s’avança légèrement et interpella sans détour Matthias :

Alors Señior, quand est-ce qu’on part à la chasse ?