Childless Father.

Nombre de messages : 1225 Date d'inscription : 08/06/2008

Hisse les voiles, je largue les amarres.
Tu sais tenir une barre ?

Le voilier avança et Naïma se trouvait toujours dessus. Le voilier sortait du l’estuaire boueux et Naïma descendait en cabines.

Pour le moins surpris Matthias la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Ce ne fut que quelques minutes plus tard qu’il poussa doucement la petite porte de la cabine. Elle venait d’éteindre sa radio, elle venait manifestement de pleurer.

Il ne comprenait pas. S’épaulant au chambranle de bois il la regardait les sourcils froncés d’inquiétudes et de questions. Pourtant sur l’instant il ne pensait à rien d’autre qu’à la fin de ce poème de William Wordsworth qu’il n’aimait même pas :

"Perhaps to himself at that moment he said;
"The key I must take, for my Ellen is dead."
But of this in my ears not a word did he speak;
And he went to the chase with a tear on his cheek."

Il se sentait toujours en plein cauchemar. Ou comment un nouveau départ idéal se transformait en drame.

Il faisait plutôt peine à voir débraillé et triste avec ce sang sur son front et cet hématome qui commençait à se former. Soudain il dit:

« Je ne sais plus si les chimères nous réveillent ou nous tuent.
Un conte dit que pour être sauvées les nymphes furent transformées en hirondelles. Parce que ce qui leur était interdit à elle ne l’était pas à ces oiseaux…

Tu me diras un jour, dis, comment on efface les larmes, comment on ne rend jamais les armes ? »

J'ai vraiment l'air de savoir comment effacer les larmes ?

Elle sourit tristement, et balaya d'un coup de main les restes de trainées mouillées de ses joues.
Elle se releva et alla vers lui.
Doucement, elle lui essuya le sang qui séchait sur son front, puis elle tâta l'hématome.
Sa main se fit douce, et caressante sur sa joue.

Matthias ... On a déjà rendu les armes.
Ce voyage nous ampute tous les deux d'une bonne partie de nos coeurs.
Nous ne pourrons pas effacer ça.
Il faut juste apprendre à vivre, avec juste une moitié de coeur.

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La caresse lui fit l'effet d'une brulure à la chaux vive. Comme toutes celles qu’elle lui avait prodigué tout en lui disant je t’aime mais je te quitte.

Il aurait voulu pouvoir plaisanter, lui dire que deux demis ça faisait un et que c’était déjà pas mal, sauf qu'il pensait en avoir perdu plus qu'une simple moitié. L’ombre d’un reproche s’insinuait dans ses pensées et il luttait de toute sa volonté contre lui. Elle n'avait pas fait que briser son espoir, son rêve, elle avait aussi mis en pièce ce gros morceau de coeur qui n'appartenait qu'à elle. Sa mâchoire se crispa et il ferma les yeux.

Sa main se posa sur celle de Naïma et la fit remonter sur sa nuque tout en enlaçant ses doigts. Il avait tellement besoin de l’avoir contre lui…
Alors que son autre bras venait entourer sa taille, il lui déposa un très léger baiser, juste un effleurement, près de l’oreille avant de répondre :

« Nous aurions pu combler ce vide si tu avais voulu y croire. Dis moi pourquoi mon ange… Pourquoi es-tu là, après tout ça… Après que je t'ai laissé partir... »

Tout contre lui, mais avec une telle distance entre leurs cœurs.

Parce que tu m'as laissée partir, justement.
Très peu d'hommes sont capables de ce genre de sacrifice. Même mon père n'aurait jamais pu proposer à ma mère de la ramener auprès d'un autre homme. Il me l'a dit.
Je suis là ... parce que je veux combler ce vide. Je le veux, maintenant.
Je t'ai accepté comme mari. Mais je veux plus maintenant. Je veux être ta femme.

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Ce fut dans son cou que se déplacèrent ses lèvres et s'y appuyèrent quelques instants. Bien sur il avait envi de lui reprocher cette trahison, de l'avoir poignarder à l'instant le plus crucial de leur avenir, et de ne pas l'avoir fait à temps mais dans le même temps il gardait à l'esprit qu'il était responsable de presque tous les faits en amonts.

Il grimaça un triste sourire puis la regarda:

"Alors c'est... nous... nous avons crée une gigantesque tragédie temporelle, n'est-ce pas ?

Je serai vraiment très honorer de poursuivre à tes côtés mais... promets moi que tu es bien certaine, qu'il n'y a pas de mauvaise raison cette fois ci, que tu ne reprocheras pas l'absence de... cette moitié que je comblerai autant que je le pourrai. Si plus tard, pour ces motifs là, je te voyais malheureuse, je ne pourrai pas y survivre.
Tu as encore le temps de ne pas avoir pitié de moi... de croire que tu seras plus heureuse au loin."

Il n'y a plus aucune mauvaise raison, je te le promet.
Et ... cette partie en moins me fera sans doute encore pleurer, ou être triste. Mais plus malheureuse.
Ça aussi, je te le promet.
Tout ce que je te demande, c'est de ne pas m'en vouloir, quand tu verras cette tristesse.

Ce n'est pas la pitié qui me fait rester auprès de toi. Ne crois jamais ça. Jamais ...

Elle resta en face de lui, son regard plongé dans le sien.

Je ne te reprocherais rien. C'est moi qui ai fait le choix de rester sur ce bateau, alors même que tu me proposais de me ramener à Twitt.

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Le jeune homme esquissa fugacement un sourire qui avait presque l'air heureux. Doucement il embrassa la main qu'il tenait toujours puis prit ses lèvres avec tendresse. Lorsqu'il recua légèrement, il souffla juste:

"Je t'aime."