On se prépare ...

Alors que Naïma s'apprêtait à sortir, Matthias fit son apparition. Il regarda le packtage fait, il n'y aurait plus qu'à plier la tente...
Il ne put masquer totalement son étonnement, ça ne ressemblait guère à la jeune femme de prendre une décision si radicale et hâtive.
Doucement il lui sourit.


"Es-tu bien sûre, mon ange ? Tu devrais prendre le temps de réfléchir calmement et pas sur un coup de sang. Searclaw à raison. Dans quelques heures ce sera surement une tempête de neige et nous avons individuellement très peu de ressources... "

Le regard de Matthias se fit particulièrement dur et sa voix claqua sèchement:


"L'hiver est très rude. J'espère que tu te rends compte que si ça arrive, c'est sur ta conscience que pèsera la mort de tes compagnons de voyage."


Sur quoi il tourna les talons et sortit vivement de la tente. Dehors certains étaient inquiets, d'autres indifférents. Le jeune homme les scruta les uns après les autres d'un air indéchiffrable sauf pour Cinoque qui le répugnait visiblement. Son regard se finit par se planter dans celui d'Onze alors qu'il prononçait avec détachement et impassibilité:


"Naïma et moi partons. Libre à vous de préparer vos affaires ou de rester avec Onze heures trente et Batman."

La phrase tomba comme un couperet. Il partait. Il l'abandonnait. Simplement, sans regret apparent.

La jeune femme s'approcha de Matthias, les yeux brillant de larmes et la claque fusa, sèche et dure.

Tu es... pathétique. Et lâche.

Une grimace de douleur déforma un instant son visage tandis qu'elle portait brusquement les mains à son ventre. Non, l'heure n'était pas encore arrivée, ça ne pouvait être ça... La voix hachée par une souffrance visible, elle termina :

J'espère qu'il n'est vraiment pas de toi.

Elle s'éloigna de quelques pas, les mains toujours crispées sur son ventre pour aller s'assoir contre un arbre. Ses cheveux dissimulant à peine son visage baissé, elle laissa couler ses larmes, seule et meurtrie...

C'était finalement arrivé. Le groupe uni ne l'était plus.

John était assit prêt du feu, taciturne, désabusé... une fois de plus. Les évènements lui rappelait pourquoi il avait toujours fuit la présence de ses semblables. Quelque part il savait que ça se passerait comme ça. Pas grave on fera un autre groupe et on sera de nouveau ami.

Mais cette fois, ça faisait un peu plus mal qu'avant. Parce que cette fois il y avait vraiment crut. Vraiment.

Il déglutit et cracha par terre comme pour se débarrasser d'un mauvais gout dans la bouche, puis il s'adressa à Matthias d'un ton monocorde.

Alors, on va où maintenant ?

Paf encore une. A croire qu'il les collectionnait. Mais c'est l'expression de douleur de Onze qui prit le pas sur ses propres sensations. Un sourire amical pour John avant d'aller se pencher sur la futur maman.
Il pensait à la conversation qu'ils avaient eu dans la forêt. Il lui avait dit qu'il n'y aurait jamais d'équilibre, elle lui avait demandé de ne pas l'abandonner. Pourtant...


"Ne m'en veux pas. C'est toi qui as choisis son père.
Il t'a fait mal ? Ca va ?"

Elle releva sur lui des yeux emplis d'un mélange de tristesse, de reproches, de douleur et de lassitude et lui souffla :

Matthias... J'ai choisi l'homme que j'aimais. Un homme qui maintenant ne porte presque plus un regard sur moi, ne me parle plus, semble éteint... La seule personne sur qui je pouvais me reposer... C'était toi...

Un léger cri de douleur vint interrompre sa phrase et son visage devint plus blanc qu'il n'était déjà à l'origine. Elle posa une main légèrement tremblante sur celle de Matthias et la serra jusqu'à faire pâlir ses articulations...

Il bouge beaucoup... Trop... Ca... Ca me fait mal...

Irresponsable! Il n'aurait pas du la laisser prendre d'infusion quelques lunes plus tôt, il aurait du l'attacher la lune dernière et ne pas la laisser faire d'activités violentes. C'était certain que ça ne pouvait que nuire. Gardant sa main, dégageant un peu son visage de ses cheveux, il répondit néanmoins d'un ton serein:


"Calmes-toi. Respire. Ca va passer."


Elle semblait cependant particulièrement mal en point et c'est avec un regard qui transpirait l'inquiétude qu'il demanda silencieusement l'aide de Naïma et du médecin-infirmier le plus proche.

L'herboriste ne réagit pas et détourna même le regard. Il n'aurait pas cru ça d'elle... Et Onze qui la réclamait comme par hasard. Les choses n'étaient jamais simple avec ces deux là. La future maman semblait de plus en plus mal et personne ne paraissait disponible pour l'aider. Il neigeait à gros flocon depuis quelques temps déjà aussi jugea t-il bon de la transporter à l'abri. Il la souleva tant bien que mal:


"Accroches-toi. Ca va aller."


Quelques instants plus tard, la jeune femme était allongée dans sa tente avec le manteau de Matthias en guise de couverture supplémentaire. Lui sortit une seconde pour toiser les personnes présentes. Jack partit avec Alicanta, Gray plus loin avec Cinoque, Henri sans doute dans un coin obscure... Le jeune homme pointa John du doigt:


"John ! T'es véto, mettre bas c'est pareil pour tout le monde, les problèmes sont sans doute les même aussi. Ausculte là s'il te plaît !"


Puis il fixa Naïma. Il savait que ça allait être beaucoup demander mais il le fit:


"Mon ange... Donnes lui un calmant ou quelque chose d'utile."

Prenant machinalement la poche de cuir, Matthias resta néanmoins bouche bée.
Et c’était tout ?
Est-ce qu’il devait savoir plus que Naïma ce qu’il se passait ?
Il avait dit calmant mais était-ce seulement une bonne idée de lui détendre les muscles si elle devait accoucher ?

L’herboriste ne pouvait pas le laisser se débrouiller tout seul, la futur maman avait sans doute bien plus besoin de son attention que de la sienne. Depuis la tente on entendait les gémissements sourds de l’alitée et Matthias prononça faiblement son nom :


« Naïma… »

Il projeta vers elle un regard désarmant qui disait toute la confiance qu’il avait et qu’il ne ferait rien sans elle. En quête d’une aide réelle et sérieuse, d’un signe quelconque…

Fawkes entra doucement dans la tente. Il resta un instant, sombre, à regarder Matthias. Onze. Naïma.

Il s'approcha du jeune et lui posa une main amicale sur l'épaule.

- ça va aller, Matthias, dit-il avec un sourire amical. Nous allons nous occuper de Onze et de son enfant, ce n'est plus du ressort des Infidèles désormais. Chacun dans le groupe a décidé en son âme et conscience qui il allait suivre.

Comme indifférente à ce qu'il se passait autour d'elle, Onze commençait à alterner cris de douleur, gémissements et paroles confuses. Elle maudissait tous les hommes qu'elle avait connu et ce bébé qui la faisait souffrir horriblement. La jeune femme avait l'impression que son ventre brûlait et se déchirait quand une étrange sensation la saisit. Aggripant le bras de Matthias revenu près d'elle, les cheveux collés au front, respirant difficilement, elle finit par lui dire :

Il va naitre. C'est trop tôt, Matthias...

Mais une tâche humide s'agrandissait progressivement sur sa robe. A moitié affolée, elle chercha du regard l'un des médecins, perdue de ne pas voir Naïma avant de laisser s'échapper un long cri, témoignage de sa délivrance prochaine...

"Infidèles ? Infidèles ?"


Le regard de Matthias flamba alors que le cri de douleur déchirait l'espace. Fou furieux le jeune homme propulsa son poing sur le nez de Fawkes. Bien sur l'homme était bien plus fort que lui et bien plus expérimenté. Mais bénéficiant de l'effet de surprise il parvint à le faire plus ou moins tituber hors de la tente. Et de rugir:


"Sors d'ici ! Trouve un médecin, raméne Henri ou je jure que t'auras plus jamais l'occasion d't'exprimer !"


La menace n'était pas anodine, il considérait en effet que si Fawkes s'était tu dès le départ ils n'en seraient pas là.
Mais déjà un autre cri de Onze le ramena vers elle et il se pencha à nouveau à ss côtés. Désemparé de se sentir impuissant, suppliant que Naïma ne le laisse pas tout seul.

La remarque de Matthias sur ses compétences de vétérinaire avait laissé John complètement de marbre. Maintenant qu'il avait perdue toute confiance en Onze, il ne voyait pas pourquoi il l'aiderait. Non, vraiment il n'avait aucune raison de le faire. Une réaction parfaitement humaine, chose qu'il n'avait pas eu depuis longtemps.

Il resta là, sans broncher, à regarder Matthias s'agiter, et Onze crier.

Il baissa les yeux, et laissa s'échapper un soupir.

Vraiment, vous faîtes chier.

Puis il s'engouffra sous la tente, passa devant Matthias sans le regarder, et se dirigea vers la jeune femme.

Il l'a fit d'abord s'allonger correctement, bien à plat, le plus confortablement possible. Il l'aida à bien expirer pour reprendre un souffle régulier. Il prit Matthias par la manche et l'amena prêt d'elle.

Eponges la sueur, et aide la à garder le rythme.

Puis il leva la robe de Onze par dessus ses genoux.

Maintenant pousses.

Non, vraiment, il n'avait aucune raison de faire ça.

Un nouveau cri, suivi d'une quinte de toux. Onze ragea, les efforts réveillaient sa maladie et elle craignait de ne pouvoir réussir à mettre son enfant au monde. Sa main enserrait celle de Matthias tel un véritable étau tandis que le travail commençait.

La nuque légèrement relevée, elle exécutait péniblement les ordres de John, à bout de souffle. Des larmes commencèrent à rouler sur ses joues quand elle demanda à Matthias :

Si je pars... Occupes toi du bébé aussi. Ne laisses pas Henri seul... S'te plait...

Elle se sentait faible et fatiguée. Le stress et les émotions accumulés ces derniers temps faisaient surface, dans un mélange confus de culpabilité, de remords et d'inquiétudes...

Ses jambes glissaient, garder cette position n'avait rien d'évident, mais elle poussait, encore et encore...

John ! Dis moi que c'est bientôt fini !

Jack arriva en courrant, en remettant ses bretelles et son pantalon à carreaux. Il s'aspergea les mains de vodka qu'il fit flamber avant d'entrer dans la tente.
On va avoir besoin de linge propre et d'eau. Gray où êtes vous, on a besoin de vous! Je ne suis qu'infirmier !
John tu peux stériliser une lame, n'importe quoi?

Ok Onze écoutes-moi, tes contractions vont aller en s'accélérant. Elles permettent au col de l'utérus de se dilater tout en poussant le bébé. Quand tu la sens venir tu bloques ta respiration et tu pousses de toute tes forces deux à trois fois. Quand tu sens que çà redescend tu essaie de détendre tous tes muscles pour qu'ils récupèrent. Il faut que tu souffles beaucoup, c'est comme du sport, il faut éviter les crampes et beaucoup respirer, ok?

UNE LAME ?!

Onze avait braqué ses yeux sur Jack, un regard un peu dément et surtout angoissé :

Mais pourquoi faire ? Ca va pas ? Quelque chose se passe mal c'est ça ? C'est quoi hein ? Jack !

Elle se sentait perdue. Et seule, alors qu'elle commençait à être entourée par de plus en plus de personnes. Elle ne comprenait rien à tout ce manège mais ses contractions rapprochées la ramenèrent rapidement à la réalité...

AAAaaaaaaaaaaaaah !

Un énième cri. La jeune femme n'en pouvait plus et était sur le point de tout abandonner, de renoncer, d'engendrer de nouvelles complications. Cherchant Henri du regard, elle tomba sur Naïma et son coeur fit comme un bond dans sa poitrine. Si la brune était là, son bébé serait sauvé.

Onze ferma les yeux quelques secondes, tenta de se calmer et de se concentrer. Quand elle les rouvrit, la brune était toujours devant elle. Ses lèvres formèrent le mot "merci" avant de se transformer en une grimace de douleur alors que le travail reprenait...

T'inquiètes pas, c'est pas pour sacrifier ton bébé au dieu Mogül, c'est pour couper le cordon !

"J'aime quand un flan se démoule à la perfection" disait un mec dans une série tv précrash je crois.
Donc tu vas pousser, et on va l'attraper quand il va sortir. Au moment où on le voit il faut que tu ralentisses pour qu'il sorte en douceur même si l'envie de pousser devient impérieuse.
Naïma je vais avoir besoin de toi sur ce coup là, c'est toi qui vas l'attraper, moi je dois surveiller son pouls.

La main paralysée par celle de la jeune suppliciée qui semblait autant terrifiée que désemparée, Matthias s'assit à son côté presque en face d'elle. Comme l'avait demandé Jack il épongeait de temps en temps le front moite. Alors qu'elle se terrorisait un peu plus à l'évocation de la lame, le jeune homme lui adressa un sourire bienveillant et planta son regard vert dans le sien.


"Chuuut. Regarde moi. Calme toi. Tout va bien. Respire à fond, ne tousse pas."


Il mima un instant l'inspiration, tentant de lui insuffluer un peu de sérénité. Pourtant le travail promettait d'être long et éprouvant, et en réalité, Matthias aurait donné beaucoup pour ne pas se trouver là.

Aussi sous l'injonction de Naïma, tenta t-il de se défaire de l'emprise et décamper à l'extérieur sans demander son reste.