Meurtre silencieux

Nombre de messages : 748 Date d'inscription : 07/07/2008

A la mise en garde de Matthias, Onze se contenta de hausser les épaules avec indifférence. Elle les regarda sortir sans rien rajouter puis posa son regard sur Sarah :

Nous ne sommes plus que toutes les deux... Au final Sarah, nous finissons toujours seul...

Elle s'installa avec précaution sur sa couche, choisissant la position la plus confortable, et entreprit de nourrir sa fille. Le bébé têtait allégrement, presque sans répit durant de longues minutes avant de somnoler sur le sein de sa mère, repue.
Onze s'allongea alors, le nourisson dans les bras, et la mère et la fille glissèrent ensemble dans les doux bras de Morphée...

Le soleil se levait à peine lorsque la jeune femme s'éveilla. Si Sarah dormait encore paisiblement, Onze avait passé une nuit agitée, faite de souvenirs mêlés d'Henri, d'Eric et de Van. Ces trois hommes qu'elle avait aimé. Ces trois hommes qui étaient morts. Il n'y en aurait pas d'autre.

Dehors, le campement était encore endormi lorsque Onze se dirigea vers la tente d'Henri. Elle hésita un instant puis s'engouffra à l'intérieur pour recueillir les quelques biens de l'homme. Il ne possédait pas grand chose hormis son livre de géologie et sa montre, mais ces objets étaient précieux aux yeux de la jeune femme et Sarah en hériterait plus tard.
Après une caresse sur la joue du défunt, elle démonta l'abri et se servit de la toile pour envelopper le corps aimé, qu'elle embrassa une dernière fois...

Il fallait l'enterrer et la tâche ne serait pas aisée. Elle se rappela la mort de Tan et la vision de Naïma en train de creuser. C'était à elle aujourd'hui...

Les yeux emplis de larmes, armée d'une vieille pelle qui commençait à rouiller, Onze commença à oeuvrer dans la terre gelée...

Naïma se tourna vers le bruit de la pelle heurtant le sol gelé.
Elle-même avait enterré assez d'hommes pour connaître la rigueur de cette tâche.
Eugène, Tan, Muse ...

Mais elle savait aussi qu'il fallait qu'elle le fasse seule.
La douleur mentale s'apaisant dans la douleur physique.
Un dernier geste pour une personne aimée.
Une façon d'assimiler la chose, et d'entamer son deuil.

Alors elle resta là, à regarder Onze suer et haleter sous l'effort.
Prête à répondre au moindre appel, au moindre regard.

Nombre de messages : 196 Date d'inscription : 21/11/2008

Alicanta avait assisté au douloureux spectacle de la mort, sans heurts, ni éclats, un être s’était éteint. Elle avait regardé Onze qui avait tenté de mettre fin à ses jours, puis l’avait vu renaitre pour enterrer celui qu’elle aimait, et malgré tout continuer à vivre pour Sarah. Parce que c’était ça, sans doute le plus douloureux, il fallait continuer à vivre, sans plus jamais entendre le son de sa voix, sans plus jamais le voir, le sentir, le toucher.

Elle aurait voulu lui dire quelque chose. Bien sur, elles ne se connaissaient pas et ne s’adressaient presque jamais la parole, non pas qu’il y ait de l’animosité entre les deux femmes, mais Ali passait beaucoup de temps à apprendre le langage des plantes avec Naïma, et entre ces deux là, c’était plutôt la guerre froide. Elle n’avait pas voulu en savoir plus sur leurs différents, ce n’était pas son histoire, elle n’avait pas de rôle à y jouer, et la pièce était complète depuis longtemps.

Elle décida de ne rien dire, c’était trop tôt, le chagrin embaumait le campement, les cœurs étaient lourds, bientôt la vie devrait continuer mais pas encore.

Nombre de messages : 748 Date d'inscription : 07/07/2008

A bout de forces, le corps couvert de terre et de poussière, Onze termina sa première tâche. Elle jeta un regard froid sur le trou creusé, dernière demeure de son amant, et un sourire teinté d'ironie amère se dessina sur ses lèvres. Henri qui avait toujours cherché le sommeil le trouvait maintenant dans la mort et l'homme que tout le monde avait jugé froid reposerait dans ce sol gelé. Etait-ce cela le destin ?

La jeune femme s'approcha du cadavre, passa ses mains sous les bras devenus raides et glacés, et transporta le corps jusqu'à la tombe. Tant bien que mal, elle le fit basculer le plus doucement possible et lui adressa un dernier adieu avant de le recouvrir complétement de terre...

Elle regarda le monticule ainsi formé et pria pour qu'aucun dégénéré ne vienne déterrer le corps après leur départ. Saurait-elle un jour retrouver le chemin de cette tombe ? Elle l'ignorait. Elle en avait vu tellement d'autres en route, toutes désespérement semblables...

A pas lents, Onze retourna à sa tente, sans un regard pour Naïma ou Alicanta. Il n'y avait pas qu'Henri qui était mort...