Message à un ami

La radio grésilla, et émit un message, qui était à l'évidence pré-enregistré.
La voix était claire, bien qu'on sente une certaine émotion.
Parfois, des blancs se faisaient, dans lesquels on pouvait deviner qu'elle reprenait son calme.

Alopias.

Je t'aime, et je te hais à la fois.

Je t'aime parce que tous les deux, nous nous ressemblons, nous nous comprenons.
Jadis, un geste, un regard, et l'autre savait, s'il devait rire, ou ouvrir ses bras. Tant de souvenirs demeurent entre nous. Et encore aujourd'hui, je pense que jamais je ne pourrais trouver quelqu'un comme toi.

Je te déteste, parce que tu m'as déçu. Cette déception, beaucoup de gens me l'ont donné. Mais toi ... Toi, c'est différent. Justement parce que je t'aime, parce que j'attendais plus de toi.
Tu es parti sans un mot, lâcheté ultime.
Tu as préféré l'amour, ce sentiment futile et volatile, à notre amitié indéfectible, qui avait déjà survécu à tant d'obstacles. Ça, je peux le comprendre. Je l'ai compris, même si j'en ai souffert.
Mais je n'ai pas compris ta façon de partir. Comment as-tu pu me quitter de cette façon ?

Et tu m'as déçu, parce que ta route a été si différente de celle pour laquelle tu avais tout abandonné.
Tu voulais être nomade. Nous voulions être nomade. C'était notre rêve.
Tu l'as bafoué.
Tu t'es installé dans le confort d'une ville, d'une ville qui méprise les nomades, de plus.
Tu as bafoué le rêve qui était le notre, bien plus que je l'aurai cru possible.
Et je ne comprends pas. Comment as-tu pu te fourvoyer à ce point ?
Ou alors, ce rêve n'était-il que le mien ? Et tu m'aurais menti, dés le début ...

Alopias,
Je t'aime et je te déteste.
Parce que tu es mon frère. Par ce lien, je t'aime. Mais par la vie que nous avons menés, tous les deux, je te hais.
Être déçu par quelqu'un qu'on aime aussi profondément est une blessure qui me guérit jamais.
Chaque jour, j'essaye de t'oublier. Chaque jour, un détail me fait penser à toi.
Chaque jour, je songe que tu aurais ri à ce moment, ou que tu m'aurais fait un clin d'oeil de connivence.
Chaque jour, je pense que tu serais la meilleure personne, pour me prendre dans tes bras et me consoler, en ce moment.
Et chaque fois, je me souviens. Je me souviens de ta trahison, et j'en souffre, chaque jour un peu plus. Parce que chaque jour, tu me manques un peu plus.

J'aimerai tant te retrouver.
Mais je ne sais pas, si ce jour-là, je me jetterai à ton cou, ou si je te frapperai jusqu'à écorcher ta peau à vie, comme tu as écorché mon coeur.
Je ne sais pas.
Je ne sais plus si je t'aime plus que je te déteste, ou le contraire.
Je ne sais plus ...

Je sais que tu continues à me décevoir, de loin, par tes actions récentes.
Mais je sais aussi que cela te laisse indifférent. Aujourd'hui, comment pourrais-tu t'inquiéter de ça, alors que tu ne l'as jamais fait quand ça pouvait avoir de l'importance.

Je n'attends pas de réponse de ta part. Je n'en veut pas.
Je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça. Peut-être qu'en faisant tout sortir, je parviendrai à oublier, et enfin à passer à autre chose.
A vivre, sans penser à toi.

Alopias.
Je t'aime tant. Et tu n'imagines pas à quel point je te déteste.