Besoin de rien, envie de toi... [Lune 192]

Sarah s'endormit enfin. Onze passa tendrement une main sur le visage du bébé et soupira. Jusqu'à quand tiendrait-elle ainsi, Onze ignorait la réponse. La naissance de Sarah et la mort d'Henri avaient bouleversé sa vie, l'obligeant à perdre de sa désinvolture et de son insouciance, à devenir responsable, elle qui n'avait que 20 ans et voulait tant profiter de la vie...

Elle sortit de la tente, sous la nuit qui commençait à tomber. Un peu plus loin, elle pouvait entendre une partie de ses compagnons discuter autour du feu. Elle tendit l'oreille, cherchant une voix familière qui ne lui parvenait pas. Elle sourit et se mit à sa recherche.

Onze ne mit pas longtemps à le trouver. Un peu à l'écart du campement, Matthias semblait fort occupé par sa radio et ne la remarqua pas de suite. Elle l'observa, tout en avançant doucement à sa rencontre. Matthias... Matthias, dont Sarah portait indéniablement quelques traits, Matthias, qui d'une certaine façon lui avait enlevé Henri, Matthias, le seul qui pouvait encore lui redonner l'espoir...

Bonsoir...

Sa voix avait été calme, presque un murmure. La brise nocturne faisait légèrement flotter sa robe, la faisant frissonner. Elle se surprit à prier que personne ne vint les déranger, souhaitant plus que jamais retrouver en cette soirée une bribe de son passé...

Une voix calme, presque un murmure. Ce fut sous cette intonation que Matthias frissonna légèrement. Comme un pressentiment qui disait que cette apparition nocturne un peu surréaliste n’augurait rien de très bon.
Le jeune homme lui sourit, de ce sourire aussi charmeur que désinvolte et coupa net sa radio sans qu’on puisse deviner ce qu’il pensait ni ce qu’il fabriquait.


" Bonsoir, jolie libellule. Te serais-tu égarée ? Qu’as-tu fait de ta toute petite grenouille ?"

Elle dort. Profondément. Je crois que, par chance, elle tient de sa mère là dessus.

Onze fit quelques pas vers le jeune homme, altière et légère. Elle avait maigri depuis la mort d'Henri, trouvant une ligne plus mince qu'elle n'avait avant sa grossesse, où seule sa poitrine trahissait quelques jolies formes maternelles. Son visage quant à lui avait perdu de son expressivité, tout comme ses yeux qui ne brillaient quasiment plus. Elle avait remarqué ces changements, songeant même à changer son nom, ne se reconnaissant plus en Onze, ne s'étant jamais reconnu en Sophie...

L'une des bretelles de sa robe glissa pour dévoiler une épaule seulement habillée d'une mèche de cheveux ondulés. Elle avança encore. Avait-il déjà remarqué ses pieds nus qui se faufilaient dans l'herbe ?

L'autre bretelle glissa. Puis ce fut le reste de la robe qui tomba, dans une caresse lascive, aux pieds de la jeune femme. Encore un pas, et elle fut face à Matthias. Sa main s'attarda quelques secondes dans les cheveux du jeune homme qu'elle ne quittait plus des yeux, avant de venir lui murmurer à l'oreille :

Allons nous jouer cette nuit ?

Matthias restait calme et souriant, égal à lui-même. Le fait qu’il retint son souffle lorsque la jeune femme lui souffla quelques mots à l’oreille le trahit peut être. C’était la panique totale. L’envie de céder à la demande était indéniablement là mais dans sa confusion actuelle la démarche lui semblait d’une lascivité un peu trop exacerbée pour être honnête. Un peu vamp, un peu trop dangereuse…

Son regard brillant s’ancra mieux dans celui de Onze, un soupçon de méfiance transparaissait. Qui disait jouer pouvait vouloir dire perdre.
Matthias se pencha un peu, appuyant ainsi un baiser sur l’attache de l’épaule puis remontant vers l’oreille sans la toucher, il souffla à son tour :


« Il y a quelques jours tu m’accusais de t’avoir utilisé comme passe temps… »

Un léger rire s'échappa de la gorge de la jeune femme et un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres. Son index suivit délicatement la ligne de la mâchoire masculine, la frôlant plus qu'elle ne la caressait...

Est-ce que ça ne fait pas partie du jeu ?

Elle retira sa main avant de continuer :

Et puis... C'est du passé non ? N'est-ce pas toi qui dit qu'il faut avancer ? Pourrais-tu me laisser vivre avec mes fantômes ? Je ne te demande rien d'autre que de me donner l'illusion que je suis toujours vivante... et désirable...

Imperceptiblement, elle se rapprocha légèrement de lui. Ses lèvres vinrent trouver celles de Matthias pendant quelques secondes, moment durant lequel il put sentir contre le tissu de ses vêtements la chaleur du corps de Onze...

Leurs lèvres se détachèrent et Matthias garda le corps de la jeune femme contre le sien en lui saisissant et tordant le poignet dans le dos. Le masque se brisa une seconde, laissant apparaitre des traits durs et farouches, quelques chose de violent. Vision fugace puisque l'homme se pencha à nouveau à l'oreille de la captive:


"Illusion ? L'illusion serait de croire que tu peux gagner. Désirable tu le sais très bien sinon tu ne serais pas là.
Vivante... c'est à toi de décider. Je ne couche pas avec des ombres..."


Matthias déserra un peu l'étreinte pour lui adresser un genre de sourire qui sentait le défi et la provocation.

Il te fallait moins de raison avant...

D'un geste vif, elle détacha sa main de l'emprise de Matthias pour venir la poser sur la nuque du jeune homme. Elle l'obligea à venir à elle, et, non sans une certaine violence, elle l'embrassa à nouveau. Pendant que les langues se mêlaient, les doigts libres de Onze glissèrent sous la chemise de l'homme...

Quand ils se détachèrent, la jeune femme plongea un regard ardent dans celui de Matthias :

J'avais déjà décidé avant de venir te trouver...

Soudain Matthias eut un sourire hilare avant de partir du rire un peu dément qu'il avait parfois. Puis lui rendant son regard il fit lentement le tour de la jeune femme lui glissant à nouveau un baiser dans le cou une fois derrière elle, coula doucement une main sur le ventre nu. Cette fois ci il murmura d'un ton faussement innocent:


"Très bien. Qu'est ce que tu proposes au menu du divertissement ?"

Elle se mordit légèrement la lèvre inférieure, avant de répondre d'un air faussement mutin :

Tout dépendra de ton appétit...

Elle se retourna doucement pour lui faire face et l'embrasser. Ses lèvres glissèrent ensuite dans le cou de Matthias, et tandis que ses mains le débarrassaient de sa chemise, sa bouche s'attardait sur son torse, descendant toujours lentement, laissant sa langue tracer des chemins sinueux le long de la musculature du jeune homme...

Le pantalon et les sous-vêtements masculins ne furent un obstacle aux doigts de Onze que pendant quelques secondes. Elle déposa d'abord quelques baisers sur l'intérieur des cuisses puis frôla de ses lèvres le membre durci avant d'y passer la pointe de sa langue, allant et venant selon un schéma complexe connu d'elle seule...

Pendant un moment Matthias profita des caresses de la jeune maman sans rien faire d'autre que de déclarer avec un soupir de satisfaction:


"Jolie Libellule, je bénis sans fin le créateur des femmes, vous êtes merveilleuses!"


Puis il décida de s'attaquer à sa part de travail car il n'aimait pas être en reste. Onze renversée, Matthias s'occupa de caresser subtilement le corps qu'il n'avait jamais vraiment examiné avec application étant donné qu'elle avait toujours fait preuve d'une grande impatience. Il le fit donc avec toute la patience et toute la science dont il était capable. Appuyant, caressant, baisant ça et là à la recherche des endroits sensibles, traçant quelques sillons de frissons sous un léger souffle...

S'en était trop, elle ne pouvait plus résister. Dans un spasme orgasmique, le corps de Onze se souleva brusquement, pour retomber aussitôt dans l'herbe humide... Elle ferma les yeux quelques secondes, reprenant doucement sa respiration, avant de se retourner vers Matthias :

C'est plus que je n'espérais...

Elle se pencha vers lui pour l'embrasser, souriante, visiblement sereine. Puis, tandis qu'elle s'étirait, un peu nonchalante, elle lui demanda :

Y'aura-t-il d'autres nuits ?

Le jeune homme la fixait de son regard curieux. Plus qu'elle n'espérait ? Marrant, Naïma ne se contentait pas trop d'un seul orgasme. Il secoua imperceptiblement la tête, fallait qu'il arrête de comparer.


"La nuit est une chose bien incertaine, sais-tu ?"


Il lui adressa un sourire complice qui disait que oui, il y en aurait d'autres, peut être. A nouveau il l'embrassa, terminant par une légère morsure puis il se rhabilla à moitié, escomptant bien aller se laver un peu.

Ce que Matthias ignorait, c'était que Onze aurait pu continuer avec lui ces ébats nocturnes si ses impératifs de mère n'entravaient pas ses désirs... Sa liberté étant restreinte, elle devait faire vite, elle qui préférait jouer contre le temps...

Il n'y a pas que la nuit qui est incertaine...

S'emparant de sa robe pour se rhabiller, elle n'ajouta rien de plus. Un dernier regard et un sourire pour son amant, et la jeune femme disparut en direction de sa tente...