Alopias et Naïma

Naïma avait fini par avoir pitié d'Alopias, complètement perdu devant sa toile. Elle était venue l'aider.
Mais à peine lui avait-elle montré comment faire qu'il s'écrasa méchamment la main.
Le peu de réaction fut ce qui inquiéta le plus la jeune femme.

Bouge pas, je vais regarder ta main.

Naïma attrapa la main d'Alopias et la tâta. visiblement, il n'avait rien de grave.
Elle lui massa doucement la main, pour faire passer la douleur.

Ca n'a pas l'air d'aller. Tu n'as pas l'air au mieux de ta forme, en ce moment.
Tu veux parler ?

Naïma tenait toujours la main d'Alopias, et la caressait doucement, maintenant.

Tu vois ma tente, là bas ?
C'est dans celle là que j'ai versé mes larmes sur mon ancienne vie.
C'est dans celle là que j'ai rêvé, chaque nuit passée dans le désert, que Eugène un jour m'aimerai comme je l'aimais.
C'est dans cette tente qu'il est venu un soir, juste pour être avec moi. Ce soit là, mon coeur a d'abord éclaté de joie, puis s'est flétri, car Eugène n'est pas resté longtemps.
Cette tente, je l'ai assez vite plantée sous le poste de garde, au Passage. Je n'arrivais pas à dormir dans la salle commune.
Et c'est à cette tente que Perceval m'a raccompagnée plusieurs soirs.
C'est aussi dans cette tente que j'ai partagé des moments avec M. Penn. C'est dans cette tente qu'il a passé sa dernière nuit avec moi. Avant qu'on le laisse derrière nous.

Ma tente aussi est pleine de souvenirs. Et même si la plupart de ces souvenirs sont doux, ils m'en rappellent d'autres, bien plus douloureux.
Tu n'es pas le seul à avoir de profondes blessures au coeur. Des blessures qui cicatrisent mal, pour certaines.
Je t'aiderai, autant que possible, à regarder devant et ne plus te retourner que pour voir des choses joyeuses.
Je t'aiderai, autant que tu m'aides, même sans le savoir.
Je suis là, je suis là pour toi, ne l'oublie jamais. Tu peux avoir confiance en moi, même si je sais que cela est difficile pour toi d'accorder ainsi ta confiance.
Je ne te trahirais pas, et je sais que tu ne le feras pas non plus à mon égard. J'ai confiance en toi, Alopias.

Naïma leva la main d'Alpias et la porta à sa bouche. Elle déposa dans la paume un baiser, qu'elle fit le plus doux possible.
Un baiser qui voulait dire "je tiens à toi".

Si tu veux, on échange nos tentes ? ça nous en fera une nouvelle, vierge de tout souvenir, à tous les deux.

Naïma rit. Oui, sa tente puait littéralement. Il était temps d'aller la tremper dans le fleuve et de bien la frotter !!

- Le passé fait de nous ce que nous sommes. Mais ce sont nos espérances qui font de nous ce que nous seront.
Tu es un homme blessé. Mais tu seras un homme sur de toi, je le sais.

Elle sourit, se lève et donne une petite tape sur l'épaule d'Alopias.

- Bon, si on doit laver nos tentes, inutile de continuer à planter tes piquets !!
Pour les trous, j'ai des bouts de tissus qui devraient convenir. j'ai de la petite ficelle, et si il faut un aiguille, je pourrais toujours en tailler une dans un os.
Sinon, pour le système plus pratique, t'as des idées ??

Naïma était redevenue légère, d'un seul coup. Se plongeant dans le nouveau projet. Tant pour y entrainer Alopias et l'empêcher de ressasser des idées noires, que pour oublier elle-même tous les souvenirs qu'elle venait de faire remonter.

- Ok, on va faire comme ça, alors.

Naïma attrape une pierre et un piquet, et commence à aider Alopias à installer sa tente.
Dormir avec Alopias aurait pu la déranger. Cela l'aurait sans doute dérangé, du temps du Passage.
Mais cela n'était plus le cas.
Elle connaissait maintenant assez Alopias pour ne plus craindre de dormir sous la même tente, sans doute même serré contre lui. Elle avait toute confiance en lui.

- Mais tu sais coudre ? Parce que moi, non !!
Autant, je sais clouer une planche, autant une aiguille ...